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7 milliards ça fait beaucoup

5 mars 2015

  • Eve-Lyne Couturier

Sortir de la crise a un coût. Pour les femmes du Québec, celui-ci s’est élevé à près de  7 milliards $ de 2008 à aujourd’hui. Et ce n’est qu’une partie de l’histoire… Commençons par le début.

En 2008, le Québec, comme la plupart des États occidentaux, a connu une crise économique que plusieurs affirment être la plus sévère depuis le fameux crash boursier de 1929. Pendant deux ans, le gouvernement s’est autorisé à faire des déficits. Par contre, une fois la (maigre) croissance de retour, les politiques d’austérité se sont pointées le bout du nez. Il faut croire que le chant du déficit zéro a été trop séduisant. Bien que de nouvelles dépenses continuaient d’être annoncées, la part du lion des annonces gouvernementales concernait plutôt des compressions. Au total, c’est plus de 23 milliards $ qui ont été coupés de l’économie québécoise par les mesures d’austérité. Et de ce montant, 13 milliards $ ont touché plus particulièrement les femmes, soit 3 milliards $ de plus que les hommes.

Donner de l’argent au secteur public? Des dépenses qu’il faut contrôler. Donner de l’argent à l’entreprise privée? Des investissements qui vont dynamiser l’économie. C’est à partir de cette dichotomie que les derniers gouvernements semblent avoir choisi d’orienter leurs stratégies de sortie de crise. Et, par la même occasion, ils ont favorisé des investissements dans des domaines traditionnellement masculins (construction, ressources naturelles) et des compressions dans ceux qui contiennent une majorité de femmes (santé, éducation, fonction publique).

Au total, les choix budgétaires depuis 2008 ont creusé un écart de près de 7 milliards $ entre les hommes et les femmes. Le ministre Leitaõ peut bien dire que ce sont des mesures neutres et technocratiques, mais la réalité démontre le contraire. Les cours de philosophie que son gouvernement songe à fermer lui auraient peut-être permis de comprendre la distinction entre les « intentions » et les « effets ». Il oublie peut-être également que ce sont encore les femmes qui font la majorité des tâches domestiques. Réduire les services, ce n’est pas juste couper des emplois, c’est aussi transférer des responsabilités collectives à la sphère privée et alourdir la double tâche des femmes.

Pour certain·e·s, il semble que la croissance soit plus importante que tout. Tout le reste (l’environnement, les régions, l’égalité hommes-femmes…) est secondaire devant une économie qui stagne. Mais si on ne se préoccupe pas de ce « reste », quel genre d’avenir aurons-nous? Veut-on vraiment d’un Québec sans régions? Serions-nous encore prêt.e.s à faire le pari d’une industrie dangereuse comme l’amiante juste pour quelques emplois et quelques dollars? Est-ce que l’augmentation de l’incidence de la prostitution juvénile, des agressions sexuelles et de la violence conjugale ne devrait pas nous amener à repenser comment on développe nos ressources naturelles? La vision comptable du gouvernement lui permet de croire qu’on peut se passer de ces réflexions. Nous, on pense qu’il se trompe et que l’économie ne peut faire l’épargne du reste.

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