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PL106 : Le gouvernement et la FMOQ se trompent de cible

23 octobre 2025


Tant le gouvernement du Québec que la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) font fausse route dans leur compréhension des facteurs expliquant les problèmes d’accès aux services de santé subis par la population. C’est la conclusion à laquelle parvient l’IRIS dans une série d’articles publiés en réaction au projet de loi 106.

« L’imposition de cibles de performances aux médecins, ou bien l’augmentation de leur nombre par une bonification de leur rémunération comme le suggère la FMOQ, ne permettra pas d’améliorer magiquement l’accès aux soins de santé au Québec. Ça fait longtemps que nos gouvernements vont dans ces deux directions et, visiblement, ça ne fonctionne pas », constate Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS.  

Médecine familiale: le temps plein demeure la norme au Québec 

Avec le PL106, le gouvernement affirme vouloir améliorer l’accès aux médecins de famille en liant une partie de leur rémunération à l’atteinte de cibles de performance. Selon lui, les problèmes d’accès s’expliqueraient par un trop grand nombre de médecins travaillant à temps partiel. Pourtant, les données analysées par l’IRIS montrent qu’il y a l’équivalent de 72 % des médecins de famille qui sont à temps plein et que le Québec se situe en milieu de peloton des provinces à cet égard.

« S’il est vrai que les médecins de famille québécois offrent un volume de services moins élevé que dans les autres provinces, rien ne permet de conclure qu’ils et elles sont plus nombreux à travailler à temps partiel », précise Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS. 

Les données disponibles suggèrent plutôt que le volume de services médicaux moins élevé observé au Québec s’explique par le fait que les médecins de famille québécois passent plus de temps avec chaque patient·e : seulement 2 % d’entre eux et elles déclarent consacrer en moyenne moins de 15 minutes à chaque visite de routine, alors que c’est le cas de 28 % des médecins dans l’ensemble du Canada, et 48 % des médecins québécois·es disent consacrer plus de 25 minutes à ces visites, contre une moyenne canadienne de 18 % . 

« En imposant des cibles de performance quantitatives aux médecins, le gouvernement risque donc de réduire la qualité des services pour augmenter leur quantité », déplore la chercheuse.

Il ne manque pas de médecin de famille au Québec

Contrairement à ce que soutient la FMOQ, les problèmes d’accès aux services ne s’expliquent pas non plus par un manque de médecins de famille. En effet, l’analyse de l’IRIS montre que depuis le début des années 1990, le Québec se situe chaque année au-dessus de la moyenne canadienne pour le nombre de médecins de famille par habitant·e.

Quant au Canada, il se situe lui-même au 4e rang des pays de l’OCDE pour le nombre de médecins de famille par habitant·e, loin devant des pays comme l’Allemagne, la Norvège et le Danemark, qui font partie des pays réputés pour offrir une bonne prise en charge de leur population en première ligne.

« Devant ces chiffres, on peut difficilement conclure que les problèmes d’accès aux services ou le sentiment de surcharge des médecins est causé par un manque de médecins au Québec. Pour trouver les vraies causes de ces problèmes, il faut regarder ailleurs », affirme Anne Plourde, autrice de la série d’articles.

Les vraies solutions : s’inspirer du paradoxe suédois

Le cas de la Suède offre des pistes inspirantes pour le Québec. Ce pays se situe en queue de peloton des pays de l’OCDE tant pour le nombre de médecins de famille par habitant·e que pour le volume de services médicaux offert par médecin. Or, malgré une réelle pénurie de médecins de famille et leur faible « productivité » en termes de quantité de services, la Suède se classe parmi les pays ayant les meilleurs indicateurs d’accès aux soins et de qualité des services, y compris en ce qui concerne la sécurité et l’efficacité des services de première ligne.

 « Cet apparent paradoxe s’explique par le fait que contrairement au Québec, la Suède investit la plus grande part de ses dépenses de santé (59 %) dans les services de proximité plutôt que dans les hôpitaux, et que l’accès aux services de première ligne repose sur des équipes multidisciplinaires plutôt que sur les seul·e·s médecins. Ces services sont organisés dans des « centres de soins primaires » majoritairement publics dans lesquels à peine 30 % des visites de patient·e·s sont prises en charge par des médecins, le reste étant assumé par des infirmières, des physiothérapeutes et des psychologues », explique Anne Plourde.