COMMUNIQUÉ | GMF: 20 ans d’échec en matière d’accès à la première ligne
26 mai 2022
Montréal, le 26 mai 2022 – Créés il y a 20 ans par François Legault lorsqu’il était ministre de la Santé et des Services sociaux pour améliorer l’accès aux soins et services de première ligne, les groupes de médecine de famille (GMF) s’avèrent un échec. C’est la conclusion à laquelle parvient l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) dans Bilan des groupes de médecine de famille après 20 ans d’existence : un modèle à revoir en profondeur, une note qui analyse le modèle des GMF et évalue leur capacité à répondre aux besoins de la population.
Accès à la première ligne
« Les difficultés persistantes d’accès à un médecin de famille montrent bien que les GMF ont été incapables d’assurer un meilleur accès à la première ligne, alors que c’est précisément la mission qu’on leur avait confiée au moment de leur création », indique Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS et autrice de la note. L’étude montre que le ratio de patient·e·s par médecin de GMF n’a augmenté que de 2% entre 2014-2015 et 2020-2021. Selon d’autres données analysées, la croissance du nombre de médecins en GMF a même été plus rapide que la croissance de la population inscrite entre 2014-2015 et 2018-2019. De plus, l’accès à certains services tels que les consultations psychosociales a diminué pour les personnes non inscrites auprès des médecins de GMF, qui comptent pour un tiers de la population. « Depuis leur création, les GMF ont pourtant bénéficié d’un soutien financier et organisationnel important de la part des gouvernements successifs » ajoute la chercheuse.
Les urgences à la rescousse des GMF
Alors que les GMF devaient aussi contribuer à réduire l’engorgement dans les urgences du Québec, on constate que 41% d’entre eux ont une entente avec un autre établissement afin que celui-ci assure une partie de leurs heures d’ouverture, et qu’un GMF sur six a conclu une telle entente avec les services d’urgence d’un hôpital. « Non seulement les GMF échouent à remplir leur mandat, mais les urgences des hôpitaux se trouvent bien souvent à devoir dépanner les cliniques médicales en recevant leurs patient·e·s. C’est le monde à l’envers ! », soutient Anne Plourde. Le constat est le même en ce qui concerne les GMF-réseaux: au cours des quatre dernières années, plus de la moitié de ces « supercliniques », dont la mission est précisément de désengorger les urgences, n’ont pas respecté les exigences du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Développement d’une « médecine inc. »
La note montre également que les importants fonds publics investis dans les GMF, qui regroupent en grande majorité des cliniques privées, ont favorisé le développement de grandes entreprises médicales dont les pratiques semblent axées sur l’optimisation des profits. Une analyse de la structure de propriété des 50 GMF-réseaux privés («supercliniques») existant au Québec montre que le quart ne compte aucun·e médecin parmi les actionnaires, associé·e·s ou dirigeant·e·s de l’entreprise, et un nombre équivalent fait partie de véritables « chaînes » de GMF, parfois détenues par de grandes corporations comme Telus ou Bonjour-santé. Par ailleurs, près de la moitié d’entre eux utilisent des sociétés de portefeuille qui font office de société-écran entre les entreprises et leurs actionnaires ou associé·e·s. « Deux décennies après leur création, il est clair que derrière les GMF se trouve un modèle qui favorise le développement d’une “médecine inc.” plutôt que la prise en charge de patient·e·s », affirme Anne Plourde.
Revoir le modèle des GMF
À la lumière de ce constat d’échec, l’IRIS recommande de revoir en profondeur le modèle des GMF. L’étude préconise la transformation de ces entreprises en organismes à but non lucratif gérés de manière publique et transparente par des conseils d’administration élus, composés de représentant·e·s de la population et de l’ensemble de l’équipe multidisciplinaire. « La première ligne doit être recentrée sur l’équipe multidisciplinaire complète afin que l’accès aux services ne dépende plus uniquement de l’accès aux médecins », conclut Anne Plourde.