Trois ans plus tard, l’économie grecque en un graphique
15 août 2018
Zoe Konstantopoulou, l’ancienne présidente du parlement grec et ancienne élue du parti politique Syriza souhaite aujourd’hui débarrasser la Grèce de son ancien chef et de son ancien parti. Elle déplore que le premier ministre actuel, Alexis Tsipras, ait littéralement trahi la population grecque qui lui demandait – par référendum – de s’opposer aux politiques d’austérité. À toutes fins pratiques, il a mis le pays en vente et le Parlement sous tutelle. Est-ce qu’au moins cette reddition totale aura valu le coup d’un point de vue de relance économique?
La Grèce est un pays que l’on a pratiquement transformé en colonie de l’Union européenne en 2015, au terme d’une crise qui avait fait frémir la communauté internationale. Rappelons qu’un gouvernement du parti de gauche Syriza avait été élu avec le mandat de rejeter les politiques d’austérité exigées par la « Troïka » (formée de la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fond monétaire international). En refusant d’abdiquer, le pays risquait de provoquer son expulsion de l’Union européenne, ce qui l’aurait sans doute mené à la faillite et aurait mis en en péril la stabilité du système financier mondial.
Mais le néolibéralisme a de la chance : il pouvait compter sur le premier ministre grec Alexis Tsipras. Quelques jours à peine après le référendum historique (que Tsipras espérait perdre, selon son ancien ministre des Finances) où la population réitérait sa confiance au gouvernement et sa franche opposition au saccage des politiques d’austérité imposées de l’étranger, le leader de « gauche radicale » virait à 180 degrés et acceptait toutes les conditions imposées par la Troïka. Tsipras, semble-t-il, avait reçu en échange une vague promesse de pouvoir renégocier la dette grecque, alors calculée à plus de 175 % du PIB.
Trois ans plus tard, comment a fonctionné le plan de sauvetage concocté par les autorités européennes et leurs complices du Fonds monétaire international? Réponse : l’économie grecque demeure enlisée, tandis que le niveau de sa dette n’a pas diminué malgré des coupures draconiennes dans les services à la population.
Le graphique suivant, mis en ligne par le FMI, montre l’évolution de l’économie grecque (tracé rouge) depuis le déclenchement de la crise dans ce pays en 2007. Il permet par ailleurs de comparer cette évolution à celle d’autres régions ayant subi des récessions marquantes. Le tracé vert montre ainsi l’évolution de l’économie étasunienne après le crash de 1929. On s’aperçoit que la récession des années 30 aux États-Unis a été plus profonde dans les quatre premières années, mais que la reprise a été vigoureuse, permettant à l’économie de rattraper son niveau d’avant la crise en trois ans. Dans le cas de la Grèce, l’économie aura plongé aussi creux, mais surtout, la reprise est pour ainsi dire invisible puisque l’économie est restée stagnante à 75 % de ce qu’elle était avant la crise. Bref, la crise grecque a été aussi grave que celle des années 30 aux États-Unis, mais selon la mise à jour publiée par le FMI en 2018, on ne voit toujours pas la couleur d’une reprise digne de ce nom. Voilà pour le plan de sauvetage de la Grèce.
Les conséquences sociales ont été catastrophiques. De plus, malgré une décennie de sacrifices, le niveau de la dette est de 188 % (supérieur au niveau de 2015) et on espère maintenant qu’il passe sous les 100 % d’ici… 2060. Certains réclament depuis des lunes que la dette soit ramenée à un niveau soutenable, mais en juin, les ministres des Finances de l’Union européenne n’ont concédé qu’un réexamen de la situation… en 2032.
Entre-temps, le gouvernement Tsipras a lancé un programme de privatisation tous azimuts, a coupé drastiquement dans les programmes sociaux et, en totale contradiction avec ses engagements électoraux, a même permis la mise aux enchères en ligne des maisons des familles incapables de payer leurs dettes. On estime que 8% de la population aurait fui le chaos économique du pays, et même le FMI reconnaît le recul des indicateurs socioéconomiques grecs. Entretemps, on a aussi appris que le FMI avait agi avec une rigidité idéologique qui servait les intérêts politiques de l’Union européenne plutôt que la relance économique illusoire de la Grèce.
En somme, ce graphique ajoute une confirmation supplémentaire à ce que suggérait déjà Joseph Stiglitz, l’ex-économiste de la Banque mondiale et récipiendaire du prix de la Banque de Suède à la mémoire d’Alfred Nobel, à savoir que les campagnes d’austérité et les affrontements sur la dette ne relèvent pas de l’économie, mais bien des rapports de force :
« European leaders are finally beginning to reveal the true nature of the ongoing debt dispute, and the answer is not pleasant: it is about power and democracy much more than money and economics »