Sommes-nous en 1889?
6 juin 2022
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« Le travail des enfants très jeunes est encore permis dans quelques parties du Canada. Ce travail nuit à la santé, entrave le développement physique et l’éducation des enfants employés, de sorte qu’ils ne peuvent devenir des êtres forts ou des citoyens intelligents. Nous croyons que l’emploi régulier, dans les usines, les fabriques et les mines d’enfants au-dessous de quatorze ans devrait être strictement défendu. »
Voilà une des recommandations que formulait en 1889 la Commission royale sur les relations du travail avec le capital au Canada (à l’époque, on n’appelait pas encore les patrons des « leaders » ni des « dragons »), à qui on avait donné le mandat d’étudier les conditions de travail dans les usines du pays.
Or, 133 ans plus tard, l’embauche de jeunes de moins de 14 ans par des entreprises en manque de main-d’œuvre est non seulement encore d’actualité au Québec, le phénomène semble même y prendre de l’ampleur, du moins si l’on se fie aux anecdotes qui sont rapportées périodiquement par les médias d’information et qui semblent se multiplier depuis l’an dernier.
Alors que de nombreux employeurs se réjouissent de la disponibilité de cette jeune main-d’œuvre, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale Jean Boulet s’est pour l’instant contenté d’exprimer son inquiétude et soutient l’idée de mener une « réflexion » sur le sujet. À cet effet, voici quelques données qui pourraient lui être utiles.
Notons avant de s’intéresser aux plus jeunes salarié·e·s que c’est seulement au Québec que le taux d’emploi des personnes âgées de 15 à 19 ans a été en hausse presque constante depuis 1997, comme on peut le voir au graphique suivant. En Ontario et en Alberta, la tendance a plutôt été à la baisse durant la même période, tandis que le taux d’emploi des jeunes a évolué en dents de scie en Colombie-Britannique.
Quant aux personnes âgées de moins de 15 ans, nous ne disposons pas de données récurrentes à propos de leur situation sur le marché du travail. Nous savons cependant grâce à l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire, dont la plus récente édition a été publiée en 2018 par l’Institut de la statistique du Québec, que la proportion d’adolescent·e·s qui occupent un emploi est effectivement élevée dans la province. Comme on peut le voir au tableau ci-bas, 45,6% des jeunes de la première année du secondaire occupaient un emploi en 2016-2017, une proportion qui monte à 63,0% pour les élèves de secondaire 5.
L’enquête nous apprend aussi que 19,1% des jeunes du secondaire qui travaillent dans une entreprise familiale ou pour un employeur se sont blessés au travail, tout comme 9,7% de ceux qui effectuent des petits travaux (tonte du gazon, garde d’enfants, déneigement, etc.). Parmi ces jeunes employé·e·s blessé·e·s, 66,9% ont reçu des soins, consulté un professionnel de la santé ou se sont absenté·e·s de l’école en raison de leur blessure.
Cela dit, il y a fort à parier que ces proportions ont augmenté depuis, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), ayant récemment rapporté que « [l]es accidents du travail ont bondi de 36 % chez les enfants de moins de 16 ans en 2021 ». Le plus jeune travailleur blessé n’avait que 12 ans.
Signe que le travail des jeunes se normalise, la CNESST a même conçu une campagne publicitaire qui leur est spécifiquement destinée et qui « vise d’une part à inciter les employeurs à créer un climat favorable aux échanges avec leurs jeunes travailleuses et travailleurs, tant à l’embauche qu’en cours d’emploi et, d’autre part, à rappeler leurs obligations en matière de santé et sécurité du travail. » L’organisme souhaite par ailleurs « informer les jeunes travailleuses et travailleurs de leurs droits et obligations en plus de les encourager à participer à l’identification des risques dans leur milieu de travail. »
Plutôt que de chercher à responsabiliser les adolescent·e·s face aux dangers que les employeurs leur font courir, il serait sans doute temps d’instaurer au Québec un âge minimum pour travailler. Car non, il n’y en a pas! Ailleurs au pays, la législation varie. La Colombie-Britannique a fait passer l’âge légal pour travailler de 12 à 16 ans précisément dans le but de mieux protéger les jeunes. En Alberta, c’est dès l’âge de 13 ans que l’on peut être embauché, mais à certaines conditions qui varient en fonction de l’âge, tandis qu’en Ontario, on peut travailler dans certains secteurs à partir de 14 ans.
Qui aurait cru que, 133 ans après la publication du rapport de la Commission royale sur le travail, il allait falloir réaffirmer l’importance de légiférer pour réduire le recours au travail juvénile.
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L’accès aux “biens premiers” n’est pas garanti pour tous.
La société fait miroiter la consommation effrénée comme étant une démonstration de réussite sociale.
La mode impose de changer ses habitudes, vêtements et gadgets électroniques le plus souvent possible.
Cet état de faits ne sert nullement à établir une solide fondation sur laquelle nos jeunes peuvent construire leur avenir.
Il n’y a qu’à regarder la “baby boomers”… Ils ont continué à détruire aveuglément la planète au nom d’une retraite dorée!
Le plus important et durable résultat obtenu est le vol de l’avenir de leurs propres enfants!