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Salaire viable 2017 : encore loin du compte

30 avril 2017

  • Philippe Hurteau

Lundi prochain, le salaire minimum augmentera au Québec. Il passera de 10,75 $ à 11,25 $. Cette hausse de 50 ¢ n’est pas à rejeter du revers de la main : comparée aux années passées, il s’agit en fait d’une augmentation intéressante. Cependant, nous sommes encore loin du compte pour sortir de la pauvreté les travailleurs et les travailleuses au bas de l’échelle. Chaque année, nous calculons un indice du salaire viable, soit un salaire qui, pour une personne à temps plein, permet de couvrir ses besoins et de lui fournir une marge de manœuvre pour parer aux imprévus de la vie. En gros, la différence entre le salaire minimum et le salaire viable tient au fait que le premier ne s’intéresse pas vraiment au niveau de revenu qu’il rend disponible tandis que le second est pensé justement pour offrir un revenu décent aux salarié·e·s.

Alors, qu’en est-il? Pour 2017, le salaire viable moyen au Québec est de 13,15 $ l’heure. C’est donc dire que le niveau du salaire minimum qui entrera en vigueur lundi sera de 1,90 $ trop bas.

Ce niveau moyen masque cependant plusieurs disparités. Nous avons calculé le salaire viable pour sept localités (Montréal, Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, Sept-Îles, Saguenay et Gatineau) et, chaque fois, pour trois situations familiales différentes (famille de quatre, famille monoparentale et personne seule). Cela nous donne 21 cas de figure. Pour 12 de ces 21 cas, le salaire minimum s’avère insuffisant pour donner accès, même après les transferts gouvernementaux, à un niveau de vie viable.

Comment expliquer alors que, dans plus de 40 % des cas, le salaire minimum actuel soit suffisant? Par la majoration des transferts pour enfants versés par le gouvernement fédéral. Dans ces cas, les revenus de marché des personnes concernées demeurent insuffisants, mais sont compensés par les politiques gouvernementales. En quelque sorte, le gouvernement subventionne indirectement ces emplois, ce qui permet aux employeurs de continuer à payer leurs employé·e·s à bas prix.

Et le 15 $ l’heure dans tout ça?

Est-ce à dire que la revendication portée par plusieurs groupes sociaux de hausser le salaire minimum à 15 $/heure est exagérée? Certainement pas. Dans notre échantillon, 57 % des gens sont des personnes seules, donc des gens qui, puisqu’ils n’ont pas d’enfants, n’ont pas droit aux prestations gouvernementales pour les familles. Le salaire viable moyen pour ces personnes ne se situe donc pas à 13,15 $ l’heure, mais à 15,04 $ l’heure.

Alors trois considérations me semblent pertinentes par rapport au « 15 $ l’heure » :

  • Cet objectif demeure bien pensé pour les personnes seules qui, selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), comptent pour 61 % des bas salarié·e·s.
  • Rappelons aussi que n’importe quelle hausse, toute importante qu’elle puisse être, serait mise en place graduellement. Il est donc tout à fait possible que l’atteinte du 15 $ l’heure dans un horizon de cinq ans, par exemple, soit en phase avec la majorité des cas que nous mettons de l’avant de notre étude.
  • Aussi, il faut bien préciser que si les revenus de marché des bas salarié·e·s avec des enfants venaient à augmenter substantiellement, les transferts versés par les gouvernements seraient amputés. Au final, ces personnes gagneraient en autonomie en dépendant moins de la solidarité fiscale pour joindre les deux bouts.

L’important, au fond, c’est de revoir la structure salariale de la société québécoise. Il n’est pas question de statuer collectivement sur les revenus de chacun, mais bien de mettre en place un niveau plancher qui corresponde aux coûts d’un niveau de vie décent. Notre constat est que, encore cette année, la situation en place n’atteint malheureusement pas cet objectif.

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