Les travailleurs pauvres, l’épicerie et une résolution pour 2016?
21 janvier 2016
Le début d’une année signifie souvent un moment de renouveau. C’est notre chance de faire des bilans et de mettre en branle des projets. C’est aussi un moment porteur d’espoir. Les un·e·s prennent des résolutions, d’autres vont faire de belles promesses à leurs proches. Certain·e·s vont même se dire que l’année à venir sera celle où ils et elles amélioreront leur situation financière en grimpant les échelles sociales et économiques.
Pour ceux et celles qu’on appelle les travailleurs et travailleuses pauvres, ces espoirs de renouveau sont déjà pratiquement anéantis avec l’augmentation du coût de la nourriture pour l’année à venir.
Tout d’abord, qu’entendons-nous exactement par cette catégorie de travailleurs et travailleuses pauvres? C’est une personne qui travaille à temps plein, mais qui ne gagne pas un revenu suffisant, après cotisations et transferts, pour loger, vêtir et nourrir les gens sous sa charge. De ce fait, elle ne peut pas dégager une marge de manœuvre suffisante pour participer pleinement à la vie politique, culturelle et économique. Bien entendu, on ne parle même pas des possibilités limitées voire absentes d’améliorer sa situation économique en retournant aux études ou suivant une formation, par exemple. En somme, un travailleur ou une travailleuse pauvre, c’est quelqu’un qui ne gagne pas un salaire horaire viable. Au Québec, une personne travaillant au salaire minimum ne gagne pas un salaire horaire viable.
L’Institut alimentaire de l’Université de Guelph prévoit que le coût des fruits et légumes devrait augmenter de 4 à 4,5 % cette année. Le prix des viandes, quant à lui, grimperait de 4,5 %, alors qu’en 2015, celui-ci avait déjà connu une hausse de 5 %. Notons ici que l’augmentation du salaire minimum en 2015 n’était que de 1,93 %.
Autrement dit, il y a objectivement une perte du pouvoir d’achat pour les travailleurs et travailleuses pauvres par rapport à la nourriture qu’ils achetaient. Si la tendance se maintient, si l’augmentation du salaire minimum de cette année suit le même rythme que celui de l’an dernier, alors cette perte de pouvoir d’achat n’ira qu’en s’accentuant.
La hausse du coût des aliments est quelque chose de majeur pour un travailleur ou une travailleuse pauvre. Par définition, cette personne ne gagne pas le revenu nécessaire pour se payer le panier de consommation annuel qui permet l’inclusion sociale, culturelle et économique. Nous savons déjà que pour ceux et celles qui sont sur la ligne exacte du salaire viable, c’est près de 20 % du budget annuel qui passe dans l’alimentation pour une famille de 4 à Montréal et à Québec. La perte du pouvoir d’achat alimentaire pour les travailleurs pauvres est quelque chose de désastreux dans la mesure où c’est la capacité de bien se nourrir qui est mise à mal.
Le journaliste et essayiste américain David K. Shipler disait que les riches et les pauvres ont en commun le fait qu’ils pensent tous les deux sans cesse à l’argent, mais pas pour les mêmes raisons : les riches pensent à des stratégies pour faire fructifier leur capital déjà bien appréciable. Les pauvres, quant à eux, pensent sans cesse à l’argent parce que leur précarité financière contribue à une insécurité perpétuelle. Cette insécurité sera sans doute accentuée cette année encore.
Pour un réel renouveau, commençons à repenser et à transformer notre rapport collectif à la pauvreté, au travail et à la rémunération des travailleurs et travailleuses. Repensons le salaire minimum pour qu’il reflète les besoins réels des gens qui travaillent. Faisons donc de l’espoir, de l’inclusion sociale et de la sécurité alimentaire des choses qui font partie de la vie de tous les travailleurs et travailleuses. Ce serait là la plus belle et nécessaire des promesses qu’on pourrait se faire collectivement pour l’année à venir.