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Les ordres blancs disent qu’ils sont ben corrects

6 octobre 2016


Hier, dans Le Devoir, une lettre signée par les président-e-s des Ordres professionnels du Québec prétend que les difficultés que rencontrent les immigrant-e-s pour faire reconnaître leurs diplômes ne relèvent pas d’un « corporatisme indu » de leur part mais d’autres motifs tels que les règlements gouvernementaux ou encore les difficultés socio-économiques.

41 personnes ont signé cette lettre.

Du nombre, 40 sont blanches…

Ça ne s’invente pas.

L’écrasante majorité sont d’origine canadienne-française. Quelques anglophones.

Une seule personne racisée : la présidente du tristement célèbre Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ).

On aurait presque envie de penser que le seul endroit où l’on peut trouver une personne non-blanche à la tête d’un ordre professionnel québécois, c’est l’Ordre dont aucun blanc n’a voulu parce que totalement discrédité (et d’ailleurs sous tutelle du gouvernement québécois), accablé par des scandales de collusion.

Mais ça serait minimiser le courage dont cette personne a dû faire preuve dans des milieux qui ont toute la misère du monde à se diversifier. On apprenait plus tôt cette année que même dans les organismes publics, où les curriculum vitae passent mieux le test de la discrimination à l’embauche, il manque plus de 25 000 employé-e-s issu-e-s des minorités visibles.

Les ordres professionnels ont raison. La responsabilité des problèmes actuels ne leur revient pas à eux seuls. Ils écrivent que « le chemin vers l’obtention d’un emploi est semé d’embûches, surtout si le candidat est issu d’une minorité visible ».

C’est bien vu, et on espère par conséquent que les ordres nous surprendront cette fois par leur détermination et s’afficheront en faveur de la revendication de la Commission sur le racisme systémique au Québec que porte un collectif de personnalités québécoises racisées.

Avouons que ça serait tout de même surprenant puisqu’après avoir cherché à se dédouaner des problèmes de reconnaissance de diplôme, la lettre des ordres professionnels dénonce le projet de loi 98 qui vise à donner des pouvoirs d’enquête au nouveau Commissaire à l’admission que créerait la loi.

« Il s’agit d’une approche technocratique, inutile et coûteuse », disent-ils.

Ça prend tout de même un peu de culot pour dire que des pouvoirs d’enquête sont de trop alors que les ordres professionnels peinent à gagner la confiance du public et qu’ils se sont trouvés incapables de le défendre dans les cas de collusion dévoilés par la Commission Charbonneau ou l’imposition éhontée de frais accessoires par les médecins.

L’IRIS également était insatisfait de cette proposition : nous avons jugé que le projet de loi 98 ne va pas assez loin. Selon nous, les mécanismes disciplinaires ne devraient pas être gérés par les ordres eux-mêmes comme c’est actuellement le cas.

Les ordres professionnels affirment que le taux de reconnaissance des diplômes avoisine les 95% mais près de la moitié des professionnels reconnus comme tels doivent suivre des formations d’appoint qui coûtent cher en temps et en argent.

La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes est venue rappeler aux audiences sur le projet de loi 98 qu’une équipe de travail du ministère de l’Immigration avait déjà indiqué il y a plus de dix ans qu’il fallait notamment « améliorer l’offre de formation d’appoint » (par exemple avec des formations à temps partiel) et « aider financièrement les personnes engagées dans un processus de reconnaissance des acquis »

Comme cet organisme, l’IRIS rejoint les remarques des ordres professionnels lorsqu’ils déplorent « le manque de financement des universités et des collèges et le manque de soutien financier des candidats et le manque d’ouverture ».

Il y a des avancées dans le PL-98. Et les débats actuels nous ont permis de faire entendre des propositions intéressantes, comme celles des hygiénistes dentaires qui appellent à octroyer à cette profession les mêmes pouvoirs qu’on accorde à leurs pairs du reste du Canada. Quand on sait en plus que de nombreux dentistes immigrants doivent se rabattre sur la profession d’hygiéniste dentaire, on trouverait là le moment d’amoindrir le déclassement qu’on leur impose.

Chose certaine, le travail qui reste à accomplir est colossal. Avant même de s’intéresser à l’une ou l’autre des nuances que les président-e-s d’ordres ont voulu apporté hier, le simple fait qu’ils n’aient pas eu de scrupule à publier une lettre où 40 signataires sur 41 sont blancs et non-immigrant-e-s pour émettre un plaidoyer visant à défendre leur travail en terme d’intégration des professionnels immigrants est symptomatique de la désolante situation dans laquelle nous nous trouvons.

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