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L’effet Desmarais pour hausser le salaire minimum à 15$ dès 2017

20 avril 2016

  • FF
    Francis Fortier

Depuis quelques années déjà, les inégalités de revenus prennent le haut du pavé, aux côtés des problèmes environnementaux, comme enjeu inévitable du capitalisme contemporain. Et, depuis un peu plus d’un an, une des solutions avancées par plusieurs États américains serait d’offrir un salaire minimum à 15$/h. Cette revendication existe aussi au Québec. Évidemment, de l’autre côté, il y a des détracteurs qui crient au loup et qui pointent, sans vraiment de fondement empirique, une épée de Damoclès évoquant la destruction potentielle de l’économie québécoise si une augmentation graduelle du salaire minimum d’environ 4$ de l’heure survenait.

Afin de limiter l’impact potentiel d’une hausse du salaire minimum il y a des économistes qui tentent de mathématiser le problème du salaire minimum afin de donner l’impression que nous pouvons avoir une approche «objective» du sujet. C’est ce que semble faire Jean-Michel Cousineau :

La façon de calculer le salaire minimum optimal, affirme Jean-Michel Cousineau, c’est l’économiste Pierre Fortin qui l’a trouvée. L’idéal, selon l’économiste retraité de l’UQAM, c’est de ne pas dépasser 50 % du salaire moyen.

Ainsi, avec un salaire moyen de 23,56 $ de l’heure au Québec (données de 2013), le salaire minimum maximal ne devrait pas dépasser 11,75 $. C’est 1,20 $ de plus que le salaire minimum actuel. Pour se rendre à 15 $ de l’heure, il nous faudrait donc un salaire moyen de 30 $.

Une faiblesse importante de cette définition est de considérer que le revenu minimum n’est que relatif au revenu des autres. En faisant la promotion d’un salaire minimum optimal basé sur le seuil de 50% de la moyenne, M. Cousineau nous offre un concept relatif de revenu minimum et non absolu, ni même hybride. C’est-à-dire  un salaire minimum établi selon le revenu des autres (relatif) et non sur ce qui serait un revenu nécessaire pour vivre hors de la pauvreté basé, par exemple, sur un panier de biens minimaux (absolu). Il existerait donc un salaire minimum «optimal» (ici nous parlons «optimal» pour l’économie, par pour les salarié·e·s); l’«idéal» économique est donc de ne pas dépasser 50% du salaire horaire moyen. Si le salaire minimum ne couvre pas les besoins de base, c’est tout simplement parce qu’il n’y a pas assez de richesses disponibles ou encore pourrions-nous dire : « Tu es pauvre parce les autres ne sont pas encore assez riches ».

Revenons à la définition de MM. Cousineau et Fortin. Selon celle-ci, si nous avions un salaire moyen de 30$/h, disons pour le 1er mai 2017, on pourrait mettre le salaire minimum à 15$ et demeurer dans l’«optimal idéal» de M. Cousineau. Parfait, partons de leur constat et tentons de trouver une solution qui ne serait pas dommageable pour l’économie.

Comment fait-on monter une moyenne?

Avec des ami·e·s, vous faites un 5 à 7 sur une terrasse. Et pour vous amuser (ou pas) vous décidez de calculer la moyenne de votre taux horaires. Vous arrivez à la conclusion qu’en moyenne vous gagnez 26.70$/h et ce, même si l’une d’entre vous gagne 11.75$ de l’heure et qu’une autre personne gagne 42.11$/h. Par un étrange hasard, Paul Desmarais, qui s’est rémunéré en partie en salaire horaire plutôt qu’en dividende cette année, vient s’assoir avec vous. Vous refaites l’exercice de la moyenne et soudainement, vous avez une rémunération moyenne pour votre groupe de 737.18$. L’«effet Desmarais»  a permis d’augmenter le salaire horaire moyen du groupe de plus de 710$.

Le gouvernement décide donc de produire un «effet Desmarais» à l’échelle nationale lors de son prochain budget. Il finance une hausse substantielle du taux horaire des plus hauts salarié·e·s de la province à partir du 1er avril afin que la moyenne nationale atteigne 30$/h le 1er mai. Nous réussissons donc à avoir un salaire minimum de 15$/h et ce, sans que le salaire de la majorité ait bougé d’un iota.

L’utilisation de la moyenne peut être problématique lorsque nous étudions les revenus. Elle n’offre pas une mesure de tendance centrale qui serait optimale et encore moins idéale de la répartition des revenus, puisque la courbe des revenus est asymétrique avec beaucoup moins de personnes dans l’extrémité des hauts revenus que celle des bas revenus. C’est pourquoi nous pouvons assez facilement faire bouger la moyenne des revenus en agissant uniquement sur les revenus de l’extrémité représentant les plus riches.

En tentant de trop mathématiser un problème, nous pouvons nous retrouver à en générer d’autres ou encore, comme c’est le cas ici, à tenter de trouver des solutions mathématiquement logiques, mais socialement illogiques. Si la solution est logique avec les prémisses, mais illogique avec la réalité, est-ce la solution ou les prémisses qu’il faut remettre en question?

Le débat sur le salaire minimum n’est pas un débat mathématique, ni économétrique, c’est un enjeu de relations de pouvoirs politique et économique qui visent à déterminer le nombre de travailleurs et travailleuses pauvres généré·e·s par le marché du travail. Il ne faut pas attendre que les écarts de richesses génèrent une moyenne assez élevée pour offrir un salaire minimum optimal. Si nous voulons vraiment des chiffres dans le débat sur le salaire minimum, il y a déjà suffisamment de statistiques sur les personnes en situation de pauvreté pour faire un débat objectif et éclairé.

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