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Garantir des emplois pour combattre le chômage?

18 mai 2021

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5min

  • Julia Posca

Les discussions entourant la relance économique post-COVID et la rareté de la main-d’œuvre qui affecte de nombreux secteurs nous font oublier que des milliers de Canadien·ne·s et de Québécois·es n’ont toujours pas retrouvé de travail. Pire encore, le chômage de longue durée, qui désigne la situation des personnes qui sont au chômage depuis 27 semaines ou plus, touchait 486 000 personnes en avril 2021, un chiffre en hausse de 171,3% par rapport à février 2020 selon Statistique Canada.

Comment venir en aide à ces personnes? Une initiative née en France pourrait à cet égard servir d’inspiration de ce côté-ci de l’Atlantique. Le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » a pour objectif « à l’échelle de petits territoires, sans surcoût significatif pour la collectivité, de proposer à toute personne privée durablement d’emploi qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée à temps choisi, en développant des activités utiles pour répondre aux besoins des divers acteurs du territoire. » Ce projet, qui est une initiative de l’organisme ATD Quart Monde, est au stade de l’expérimentation et est encadré par une loi qui a été votée en 2016 par le gouvernement français.

Dans un pays où le taux de chômage frôlait les 8% avant la pandémie, l’initiative vise à fournir un emploi à des personnes qui ne parviennent pas à se trouver une place sur le marché du travail, une situation qui touche davantage certains groupes de la population comme les personnes de 55 ans et plus ou les personnes handicapées.

Il s’agit d’une politique financée en grande partie par l’État, qui calcule que l’investissement dans ce programme devrait lui permettre d’économiser sur d’autres dépenses, soit certaines dépenses sociales, des dépenses spécifiques pour les chômeurs, le manque à gagner en impôts et en cotisations sociales, et les dépenses découlant des conséquences du chômage.

Toutefois, sa gestion est décentralisée. Ainsi, la démarche est mise en œuvre à l’échelle des collectivités. Un comité local est formé qui veille à :

  1. identifier et mobiliser les acteurs de la collectivité qui souhaitent s’impliquer dans le projet;
  2. rejoindre les personnes qui désirent travailler et à déterminer leur profil (les compétences qu’ils détiennent, le type de travail qu’ils souhaiteraient faire, et le type de formation qu’elles seraient susceptibles de suivre);
  3. faire la recension des besoins non satisfaits sur le territoire et des travaux jugés utiles à réaliser;
  4. mettre en place des entreprises à but d’emploi (EBE) qui auront la responsabilité d’embaucher les personnes désirant travailler.

Les EBE remplissent donc une fonction double : fournir un emploi stable et de qualité à des personnes en situation de chômage et offrir des produits ou des services utiles à une communauté qu’aucune autre entreprise déjà présente sur le territoire n’offrait déjà. Les emplois offerts, qui sont payés au salaire minimum, sont financés en partie par des sommes provenant du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, auquel contribuent l’État et les collectivités locales. Les revenus générés par l’EBE doivent permettre de financer la portion restante de la rémunération. Dix territoires ont été choisis en 2016 par le gouvernement français pour abriter cette expérimentation et à ce jour, quelques 157 projets ont vu le jour, et 1049 emplois ont été créés.

Cinq ans après sa mise en œuvre, le ministère français du Travail juge que le bilan de l’expérimentation est globalement positif. Le projet a d’ailleurs été prolongé à la fin de 2020 et un minimum de 50 nouveaux territoires sera ajouté à l’expérimentation dans les 5 prochaines années.

Dans un épisode du balado Travail (en cours), Olivier Bouba Olga, qui est le président du comité d’évaluation scientifique du projet, insiste notamment sur les « externalités positives » de ce projet, dont l’amélioration de l’état de santé et de l’estime de soi des salarié·e·s, ainsi que l’amélioration de leurs relations familiales. Bien qu’elles soient difficiles à quantifier, elles démontrent toute la pertinence de ces initiatives. Il souligne de plus que les projets qui fonctionnent le mieux sont ceux où la culture de la collaboration est la plus forte. Bien que les entreprises génèrent moins de revenus que prévu et que l’État fasse des économies moins importantes qu’anticipé, le comité scientifique espère que le projet, qui permet de lutter contre l’exclusion sociale des personnes privées de travail, sera pérennisé.

Serge Marhic, directeur d’une des entreprises participant au projet, mentionne pour sa part que le succès des initiatives a permis de déconstruire les préjugés que certains avaient envers les chômeurs. Il note en outre qu’au-delà des conséquences positives pour les travailleuses et les travailleurs, c’est l’ensemble des membres des communautés touchées qui en bénéficie.

Au-delà des résultats positifs au chapitre de l’insertion sociale, un des intérêts de ce projet est de remettre les besoins des chômeurs, des chômeuses, ainsi que ceux des communautés auxquelles ils et elles appartiennent au centre des politiques sur l’emploi. Le travail n’est donc plus conçu strictement comme une activité au service des besoins des employeurs. Prometteur, le projet Territoires zéro chômeur de longue durée va en somme à l’encontre de la conception dominante de l’économie selon laquelle la richesse et le développement des communautés se mesurent à l’aune de la croissance des profits des entreprises privées. Un exemple à imiter au Québec?

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