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Bye bye Boss! (on se revoit la semaine prochaine)

23 mai 2017

  • Eve-Lyne Couturier

En 1837-1838, des hommes (et quelques femmes) se sont rebellés pour défendre leurs droits. Près de 180 ans plus tard, le troisième lundi de mai permet de commémorer leur combat et de célébrer l’ouverture de la saison du BBQ et du chalet. En effet, la Journée nationale des Patriotes est l’un des huit jours fériés statutaires selon les normes du travail. Que vous en ayez profité ou non, il n’en demeure pas moins que de telles pauses dans l’horaire normal du travail ne sont pas un luxe.

Prendre des vacances pour soi et son patron

Il y a la question de l’efficacité. Si travailler de longues heures, sacrifier ses fins de semaine et refuser de prendre des semaines de vacances peut donner l’impression d’être essentiel à son équipe, on perd toutefois en qualité ce qu’on gagne en quantité. Ainsi, partir une semaine pour faire autre chose est utile non seulement pour soi, mais également pour son employeur. Il est démontré que l’on est plus productif après avoir pris ses vacances.

Certaines entreprises, reconnaissant la valeur économique d’équipes reposées, ont mis en place des conditions de travail audacieuses pour essayer d’en maximiser les effets. Par exemple, LinkedIn, Netflix et General Electric (pour n’en nommer que trois) offrent des vacances illimitées à leurs employé·e·s. Ceux-ci et celles-ci ont des tâches et des projets à rendre, mais peuvent s’organiser avec leur équipe comme ils et elles le souhaitent pour partir aussi longtemps (ou aussi peu) qu’ils et elles le veulent. Les résultats varient. Si certaines personnes en profitent bien, il est difficile pour plusieurs de juger de ce qui est raisonnable ou non. Est-ce que mes collègues trouveront qu’une absence de trois mois est exagérée? Je ferais peut-être mieux de ne prendre qu’une semaine? Ou de ne pas partir du tout?

C’est ce qui s’est passé chez Kickstarter, qui offre maintenant un nombre fixe de jours de vacances, non pas pour limiter les absences, mais pour les encourager. Dans le même sens, la compagnie Evernote offre des bonis à condition de partir en vacances au moins une semaine, complètement déconnecté. On le voit bien, les entreprises dans des milieux très compétitifs reconnaissent la valeur des vacances tant pour retenir les meilleurs employé·e·s que pour améliorer leur rendement.

Il y a aussi la question de la vie elle-même. Le travail définit souvent notre identité. Nous nous sentons utiles par notre emploi, par la reconnaissance de nos pairs, de nos collègues, par les promotions et les augmentations de salaire que nous obtenons lors de nos évaluations annuelles. Cependant, que nous soyons employé·e·s, cadres, PDG,travailleurs ou travailleuses autonomes, notre vie dépasse largement nos activités rémunérées. Prendre des vacances, profiter de journées de congé ou partir pour une année sabbatique sont autant de prétextes pour faire autre chose comme se rapprocher de sa famille, de ses ami·e·s ou s’impliquer dans sa communauté. Quand vient le temps de retourner au travail, on peut alors remettre les choses en perspective et équilibrer son temps de manière à conserver de l’énergie pour s’accomplir également à l’extérieur du marché du travail.

Avoir les moyens de partir

Toutefois, pour obtenir les bénéfices pour soi et pour son employeur, encore faut-il être véritablement capable de décrocher. Le télé-travail et l’omniprésence d’Internet permettent peut-être une plus grande flexibilité et une autonomie quant aux horaires de travail, mais ils se transforment rapidement en pression à être toujours alerte. Que ce soit au restaurant ou sur la plage, nous avons tous et toutes déjà vu (ou été) des personnes qui gèrent des crises au bureau, organisent une réunion qui aura lieu à son retour (ou par Skype dans la chambre d’hôtel entre deux daïquiris), bref qui s’assurent que tout roule rondement malgré son absence.

On pourrait leur (se) dire de tout simplement ignorer les demandes et de profiter de leurs (ses) congés, mais ce serait oublier la pression sociale et professionnelle qui pousse à en faire le plus possible pour rester au-dessus de la mêlée. La solution doit être institutionnelle : plutôt que de culpabiliser ceux et celles qui se culpabilisent de ne pas être productifs, demandons aux employeurs de respecter les absences. En France, une loi entrée en vigueur en janvier dernier enchâsse le « droit à la déconnexion ». Ainsi, pour les entreprises de 50 employé·e·s et plus, il n’est plus possible d’envoyer des courriels professionnels à toute heure du jour et de la nuit. Les jours de congé doivent également être respectés.

Une autre contrainte non négligeable est le coût parfois exorbitant de profiter de ses vacances. Pour meubler son temps à l’extérieur du bureau, une offre alléchante d’activités existe, mais bien peu sont gratuites. Et encore faut-il pouvoir s’y rendre, être disponible ou même être tout simplement intéressée l’activité en question. Même une petite expédition en camping, le low-cost du voyage, peut s’avérer rapidement dispendieux.  Cela nécessite en effet un investissement de base d’au moins 500 $, et ce,  avant même d’avoir loué le terrain ou payé le transport. Et bien entendu, rares sont les vacances prises en solo. Les désirs des autres peuvent nous pousser à dépenser plus que prévu. Quand on a des enfants par exemple, un désir de ne pas bouger et de ne rien faire pendant des semaines de congé peuvent rapidement prendre le bord, et le budget aussi. .

En 2015, les Québécois·e·s prévoyaient dépenser 1300 $ en moyenne pour leurs vacances estivales. À cela, il faut ajouter les dépenses courantes qui, elles, ne prennent pas de pauses… L’été n’est donc pas seulement la saison de la crème glacée, mais également celle de l’endettement. Sans surprise, la principale raison pour ne pas prendre de vacances est le manque d’argent. Ce temps de repos nécessaire et bénéfique se transforme donc en luxe pour des personnes qui en ont pourtant bien besoin.

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