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Bénévolat et confinement

2 juillet 2020

  • Eve-Lyne Couturier

La semaine dernière, Statistique Canada publiait un rapport sur le bénévolat au Canada. Bien que les données datent de 2018 (une éternité en ces temps de pandémie!), il permet de jeter un regard neuf sur ce phénomène en vertu duquel des gens donnent du temps aux autres. Ces données permettent aussi de se questionner sur l’effet que pourrait avoir eu le confinement sur leur contribution.

L’étude permet de confirmer une double tendance observée dans le passé : les personnes âgées de 65 ans et plus sont celles qui consacrent le plus d’heures au bénévolat, mais les plus jeunes sont plus nombreux à en faire.

En effet, un peu plus de la moitié des personnes âgées de 15 à 23 ans (52 %) ont donné du temps à des organismes en 2018. Par contre, si elles sont nombreuses à faire du bénévolat, elles y consacrent moins d’heures en moyenne que les autres groupes d’âge, soit 82 heures par année, ou environ 1,6 h par semaine. À l’inverse, les personnes âgées entre 73 et 100 ans investissent en moyenne beaucoup plus d’heures dans des organismes et groupes communautaires (221 h/année, ou 4,25 h/semaine), mais ce groupe est également celui où l’on trouve en proportion le moins de bénévoles (32 %).

857 813 emplois

Ces données ne sont pas si surprenantes. Les jeunes sont nombreux à vouloir s’engager dans des causes, tant par idéalisme, par désir d’expérience ou parce que cela peut être une exigence durant leurs études. Toutefois, ces mêmes études peuvent limiter leur temps disponible. Du côté des personnes plus âgées, elles jouissent de beaucoup de temps libre, mais la capacité de le donner peut être limitée en raison de problèmes de santé.

En tout et pour tout, si l’on prend l’ensemble des heures travaillées bénévolement, cela représentait en 2018 l’équivalent de 857 813 emplois à temps plein à l’année. Alors que certaines personnes en font leur activité principale de retraite, ou s’impliquent parallèlement à leurs études ou à leur travail, pour d’autres, le bénévolat permet de participer à la société sans être dans la sphère marchande.

Ainsi, plusieurs bénéficiaires de l’aide sociale donnent de leur temps dans leur communauté en étant bénévole auprès d’organismes qui leur donnent de la flexibilité et un accompagnement. Cet engagement leur procure un sentiment d’utilité plus fort que bien des emplois précaires que le marché du travail ne pourrait leur offrir.

Les ravages du confinement

Le bénévolat est-il un service essentiel ou simplement un passe-temps utile? Cette question prend tout son sens en ces temps de distanciation sociale. Dès le début du confinement, il a fallu cesser toute activité qui pouvait nous placer à moins de 2 mètres d’une personne ne demeurant pas sous le même toit que soi. Dans bien des cas, cela voulait dire ne plus se rendre au travail, ni sur les lieux de son bénévolat. Bien entendu, les besoins sont demeurés criants tout au long du confinement. La COVID-19 n’a éradiqué ni la violence faite aux femmes, ni la faim des enfants défavorisés, ni l’itinérance. Les organismes qui s’impliquent dans ces causes comptent généralement sur de nombreuses personnes sur le terrain pour les aider dans leurs missions. L’absence des ces bénévoles a donc limité leur capacité d’action.

Or, dans la foulée du confinement, plusieurs personnes ont réduit drastiquement leur contribution bénévole à la société. D’abord, une part non négligeable des heures étaient attribuables à des personnes de plus de 65 ans qui ont reçu l’ordre de s’isoler autant que possible. En outre, le contexte anxiogène et incertain de la pandémie aura certainement agi comme un désincitatif très fort. Ces changements ne sont pas chiffrés puisque, contrairement à l’emploi, il n’existe aucune enquête mensuelle ou même récurrente sur le sujet. Pire encore, les données de 2018 ne peuvent être comparées à celles de 2013 puisqu’un changement méthodologique (le passage à un questionnaire électronique) aurait eu une incidence sur les estimations.

Il n’en demeure pas moins que plusieurs organismes ont levé le drapeau pour demander de l’aide. Le premier ministre François Legault a même utilisé l’un de ses points de presse quotidiens pour demander à la population de faire du bénévolat. Un grand nombre de personnes ont répondu à l’appel pour soutenir les missions des organismes qui en ont fait la demande. Les gens semblent vouloir redonner à leur communauté.

CependantI, il arrive toutefois que le bénévolat se substitue au travail. On peut même voir des entreprises à but lucratif faire appel au bénévolat pour combler des besoins qui leurs seront bien rentables. Par exemple, certaines épiceries comptent sur des bénévoles pour les aider à compléter et à livrer des commandes. Ou encore, certains emplois sont présentés comme des stages non-rémunérés. Même quand le bénévolat est clairement organisé par un organisme de bienfaisance, on peut se demander s’il ne serait pas du devoir du gouvernement ou encore au marché de compenser les personnes qui travaillent. Ce faisant, peut-être qu’on reconnaîtrait avec plus d’acuité que la solidarité envers les plus vulnérables n’est pas une question de bonnes intentions, mais bien une responsabilité collective qui doit être portée par des politiques sociales adéquates.

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