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Santé : importer les pratiques du privé ne réduit pas la bureaucratie

18 février 2014

  • Guillaume Hébert

Il y a deux ans (déjà), lorsqu’il a été question de défendre le système d’éducation, un très grand nombre de Québécoises et de Québécois sont montés aux barricades défendre l’héritage de la Révolution tranquille.

Force est de constater que les Québécois.e.s ne se soulèveraient pas de la même manière pour défendre leur système de santé. Comparé aux provinces canadiennes, le Québec est même l’endroit où l’on est habituellement le plus favorable à une présence accrue du secteur privé en santé.

Pourtant, le réseau de la santé et des services sociaux (SSS) au Québec est le résultat de revendications et de luttes sociales qui ont par moment enflammé les débats, telles que la bataille de l’assurance maladie (une histoire merveilleusement résumée dans ce texte de Jean-Claude Germain). Comme pour la création d’un ministère de l’éducation laïc, la mise sur pied d’un système de santé universel et gratuit était un objectif ambitieux qui a été largement atteint.

C’est que le Québec de cette époque avait justement de l’audace. Affirmer des valeurs distinctes à cette époque ne signifiait pas combattre des invasions imaginaires. Au contraire, les Québécois.e.s de la Révolution tranquille créaient des institutions originales et ils étaient inventifs pour répondre aux besoins d’un peuple qui s’agitait de plus en plus.

Comme les Cégeps en éducation, le réseau SSS misait par exemple sur la création de Centres locaux de services communautaires (CLSC) pour répondre aux besoins socio-sanitaires de la population dans son environnement. Le réseau de la santé a connu nombre de revers et les grands rapports de réflexion sur son avenir (Castonguay-Nepveu en 1971, Rochon en 1985, Clair en 2000) ont chacun connu des suites mitigées pour toutes sortes de bonnes et moins bonnes raisons.

Au tournant des années 2000, avec le discrédit que connaît le système de santé, les partisan.e.s du privé ont le beau jeu de proposer l’introduction de la dynamique de marché dans le réseau. Le privé existait déjà en santé, mais à partir de 2003, sa progression se fait à découvert.

La réforme Couillard de 2003 alimente l’idée selon laquelle la concurrence améliorera l’efficacité du système. L’appel de la « gouvernance » se fait entendre. Alors que ce n’était qu’un concept imposé aux pays en développement par les institutions internationales, la gouvernance s’est retrouvée au centre des rapports annuels « de gestion » de tous les ministères et organismes publics, incluant le Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS).

La gouvernance, c’est un mode de gestion qui, sous couvert de neutralité idéologique, s’inspire de l’entreprise privée pour modeler les organisations de façon à laisser libre court à la concurrence tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ces organisations. Elle peut être appliquée tant dans le secteur public que privé, mais elle est considérablement plus déstabilisatrice lorsqu’elle transforme les services publics.

Dans la note socio-économique que nous publions aujourd’hui, nous décrivons comment s’est amorcée l’implantation de la gouvernance d’inspiration entrepreneuriale dans le réseau de la santé et des services sociaux du Québec. On l’observe avec la privatisation directe (ex : la réalisation des Centres hospitaliers universitaires en partenariat public-privé (PPP)) ou la privatisation indirecte (le financement à l’activité des hôpitaux) des différentes composantes du réseau.

Non seulement les effets nuisent à l’accessibilité et à la qualité des services offerts, mais d’autres conséquences sont plus surprenantes : la gouvernance entrepreneuriale n’a pas décentralisé le réseau et elle n’a pas non plus allégé les structures durant les années 2000. Comme le montre notre note d’aujourd’hui, le ratio d’employé.e.s par cadre a diminué suite à la fusion d’établissements de la réforme Couillard de 2003.

Ratio du nombre de salarié-e-s par cadre dans le réseau de la santé et des services sociaux, en équivalent temps complet (ETC), 2003-2012

En somme, les mécanismes de gouvernance montrent comment le réseau de la santé et des services sociaux du Québec est passé d’un système (centralisé) qui se développe en fonction des besoins socio-sanitaires des Québécois.e.s pour se transformer en système (centralisé) dont le principal souci est l’efficience tel que défini dans le secteur privé.

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