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Révolution sociosanitaire : tout le pouvoir aux CLSC

25 janvier 2017

  • Guillaume Hébert

L’IRIS publiait mercredi dernier une étude proposant une révolution complète du le système de santé et de services sociaux du Québec. Les médias ont surtout retenu la proposition visant à faire des médecins des salarié·e·s, mais il ne s’agit que d’une des idées dans l’ensemble de celles que nous avons formulées pour transformer radicalement un système qui déçoit beaucoup trop de Québécois·e·s.

Faut-il se lancer dans une nouvelle réforme du système de santé et de services sociaux après celles de Philippe Couillard dans les années 2000 et de Gaétan Barrette dans les dernières années? Nous croyons que nous n’avons pas le choix. Aussi ambitieuses soient-elles – ou justement parce qu’elles sont ambitieuses –, nous croyons que nos propositions devraient trouver un écho favorable dans la population : tant chez les citoyen·ne·s et les patient·e·s que chez les travailleuses et travailleurs de la santé.

En effet, les sept propositions que nous avons soumises au débat servent à renverser les politiques centralisatrices du gouvernement libéral qui éloignent la prise de décision des patient·e·s, abolissent les voix discordantes et asservissent les cadres au profit d’une centralisation bureaucratique malsaine.

Nous suggérons plutôt de renouer, plus sérieusement que jamais, avec l’idéal d’une véritable première ligne qui deviendrait elle-même le point névralgique de l’amélioration de la santé de la population.

Pour ce faire, nous avons ainsi recommandé :

(1) de renverser la centralisation mise en œuvre par le ministre Barrette et de redonner aux CLSC le pouvoir qu’ils ont perdu au fil du temps. Il s’agirait de leur redonner une autonomie (notamment leur propre conseil d’administration), de leur permettre de tisser des liens avec leur communauté et de leur confier des responsabilités en terme d’allocations de ressources (l’argent, le nerf de la guerre). Les groupes de médecine de famille (GMF) devraient leur être subordonnés, peut-être à la manière des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) conventionnés, plutôt que de contribuer, comme c’est actuellement le cas, à la privatisation et la fragmentation de la prestation des soins dans le système public.

(2) de ne surtout pas implanter le financement à l’activité. Tout un chapitre de notre publication d’hier remonte aux origines de cette manière de simuler des marchés pour mettre les hôpitaux en compétition dans la distribution des ressources financières. Cette approche vient avec une pléthore d’effets pervers, dont la tendance à faire du « upcoding » (poser des diagnostics plus sévères pour obtenir davantage d’argent du ministère) et la nécessité d’assigner une armée de fonctionnaires à la production d’indicateurs de performance. Le financement à l’activité est un gouffre qu’il faut éviter à tout prix.

(3) d’abolir le statut de travailleur autonome des médecins. Ce subterfuge a assez duré. Il s’explique par un compromis historique réalisé avec les médecins en 1970 afin qu’ils et elles acceptent l’assurance maladie publique et universelle, qui leur faisait craindre pour leur autonomie professionnelle. Aujourd’hui, bien des médecins seraient heureux de ne plus avoir à gérer les demandes de remboursement à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), qui verse leur rémunération en fonction d’ententes extrêmement détaillées et particulièrement indigestes. Ainsi, abolir le statut de travailleur autonome permettrait de simplifier l’administration et de mettre fin aux pratiques assez gênantes telles que l’incorporation des médecins (qui leur permet de contourner l’impôt).

(4) de salarier les médecins plutôt que de les rémunérer à l’acte. On commencerait par rappeler tout bonnement aux médecins qu’elles et ils sont des travailleuses et travailleurs de la santé comme leurs collègues, très majoritairement rémunérés par l’État, et qu’elles et ils utilisent les installations publiques (ou sont compensés pour leurs frais de cabinet). Bref, qu’ils et elles ne sont pas des demi-dieux. Ensuite, le salariat devrait favoriser le partage des responsabilités et permettre aux autres professionnel·le·s de la santé (infirmières, inhalothérapeutes, sage-femmes, technologues médicaux, etc.) d’assumer de plus grandes responsabilités.

(5) de réduire la rémunération des médecins. Nous l’avions déjà proposé en juin. Nous ramenons cette proposition dans notre nouvelle étude plus exhaustive. Nouvelle découverte : lorsqu’on compare la rémunération des médecins à celle de monsieur/madame Tout-le-monde, on s’aperçoit que les médecins d’ici sont bien plus privilégiés que ceux et celles des autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En effet, au Québec, les médecins gagnent 7,6 fois la rémunération de la moyenne des salarié·e·s. La moyenne de ce ratio dans l’OCDE situe autour de 3.

(6) de rompre avec la gouvernance entrepreneuriale des hôpitaux. Cette approche de gestion s’inspire de l’entreprise privée et concentre les pouvoirs dans les mains de PDG (sans farce) censés être en mesure d’améliorer la production des hôpitaux comme s’il s’agissait d’usines. Tant que les humains n’auront pas été supplantés par des robots, il faudra encore les écouter et leur offrir des soins empreints d’humanité. Pour ce faire, il faut un personnel suffisamment nombreux et bien dans son milieu de travail pour constituer de bons soignant·e·s.

(7) d’instaurer plus de transparence. En effet, renouer avec le public, c’est aussi rendre tout cet appareil d’État plus transparent. À cet effet, les demandes d’accès à l’information qui requièrent de patienter automatiquement trente jours devraient être des reliques d’une époque révolue.

Voilà les sept propositions mises de l’avant par l’IRIS la semaine dernière. Il y aurait d’autres bonnes idées à mettre en œuvre. Mais celles-ci, axées sur l’allocation des ressources, permettrait déjà un gigantesque pas en avant pour système sociosanitaire qui doit regagner la confiance des Québécois·e·s.

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