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Regards sur la CAQ : le financement par activité améliorerait-il le réseau de la santé ?

11 novembre 2011

  • Guillaume Hébert

C’est sans surprise que la Coalition pour l’Avenir du Québec (CAQ) de François Legault a pris position en faveur d’une révision du mode d’attribution des budgets en santé. Un courant appuie actuellement au Québec et au Canada le remplacement des budgets historiques des établissements de santé par le financement par activité (FPA) ou activity based funding. Au Québec, le rapport Castonguay proposait l’adoption du FPA en 2008 et l’ex-président du Association médicale canadienne (AMC) en faisait tout autant en 2009 dans un discours à l’Institut économique de Montréal (IEDM). Des provinces canadiennes (Colombie-Britannique, Alberta, Ontario) envisagent d’instaurer une forme ou une autre de FPA. En quoi consiste exactement cette révision du mode d’attribution des budgets ?

Contrairement aux budgets actuels dits historiques et qui allouent les budgets en fonction de l’utilisation des années précédentes, le FPA consiste à codifier tous les traitements médicaux en « groupes diagnostics » (diagnosis-related groups ou DRG) pouvant être pratiqués dans les établissements de santé. Un montant d’argent lié à chacun de ces groupes diagnostics sera versé aux établissements à chaque fois qu’un traitement correspondant sera pratiqué. De cette façon, « l’argent suit le patient », selon l’image utilisée des promoteurs du FPA et les établissements sont censé y voir un incitatif à (1) attirer des patients et (2) pratiquer le plus d’actes médicaux possibles, préférablement les plus rentables, tel que prévu par la grille tarifaire prédéterminée. Bien que certains effets pervers des actuels budgets historiques pourraient être corrigés par le FPA, tous les modes d’allocation de budgets ont leurs défauts et il serait risqué de négliger ceux que l’on peut anticiper du FPA. Mentionnons-en trois.

D’abord, le défi « informationnel ». Le développement de la grille tarifaire du FPA est complexe et coûteux. Tous les tarifs associés aux actes médicaux doivent être calculé en fonction des ressources nécessaires, des priorités préétablies, des particularismes régionaux, des populations concernées, des révisions visant rehausser les actes sous-pratiqués, etc. Il faut aussi prévoir des formes de contrôles. Bref, la mise en place de cette grille, sa mise à jour périodique et son contrôle pourraient s’avérer très couteux.

Un autre effet pervers à envisager : la réponse des hôpitaux lorsque soumis au FPA. Voici ce qu’écrivait à ce propos André Grimaldi, chef du service de diabétologie à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris : Chaque spécialité, chaque hôpital, chaque service s’est mis à réfléchir fébrilement aux changements et aux astuces nécessaires pour devenir « rentables ». Les hôpitaux ont embauché des praticiens hospitaliers à plein temps devenant des experts du codage. […] Ici ou là, on surfacture ou on réalise des activités peu voire pas utiles mais rentables. Il s’agit là d’un risque permanent, en santé, lorsqu’on associe multiplication des actes et récompenses. Une hausse peut dès lors survenir dans la demande de soins, non pas parce que les patients sont plus amochés, mais bien parce que le système y trouve son compte.

Enfin, mentionnons aussi la question des coûts. Alors que la proposition du FPA est souvent présentée comme une solution pour « freiner la hausse exagérée des coûts en santé » en rendant le système plus efficace, l’effet pourrait être exactement l’inverse : le contrôle des coûts pourrait être plus ardu, comme l’ont conclu des chercheurs suite à l’étude des expériences de l’Australie, du Danemark, de la Norvège et de la Suède. Au moment où certaines provinces remettent en question au moins partiellement la rémunération à l’acte pour les médecins, il est paradoxal que l’on songe à un virage inverse pour l’allocation des budgets. D’ailleurs, le FPA ne porte aucunement sur la rémunération des médecins en dépit du fait qu’il s’agit du poste budgétaire tend désormais à augmenter le plus rapidement. En somme, les budgets historiques posent problèmes à plusieurs égards (ex : s’empresser de dépenser un budget pour éviter de voir amputé automatiquement l’année suivante), mais affirmer que de les remplacer par le FPA améliorera le système de santé en matière d’efficacité ou de coûts ou de fonctionnement général est certainement abusif. Il serait donc bien plus sage de suivre la résolution de l’Association médicale britannique (BMA) qui s’oppose au FPA en affirmant qu’il est préférable désormais de miser sur la collaboration plutôt que la compétition.

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