Québec doit ajouter 500 M$ en santé mentale
9 octobre 2020
Le 10 octobre a été désigné comme Journée mondiale de la santé mentale par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). On nous rappelle généralement lors de cette journée certaines statistiques peu réjouissantes, comme le fait que 1 personne sur 5 sera atteinte par des troubles de santé mentale au cours de sa vie, que les coûts liés à ces troubles s’élèvent au Canada à entre 20 G$ et 30 G$ annuellement, ou encore que chaque dollar investi en prévention et en soins de santé mentale rapporte 1,62 $. Les organismes les plus variés reconnaissent par ailleurs que la santé mentale ainsi que la santé physique sont des composantes intrinsèques du bien-être et que les préserver est non seulement nécessaire, mais même payant.
Le gouvernement du Québec a lui aussi reconnu cette réalité dans la dernière année et a posé des gestes afin de s’attaquer à ce problème. Or, en ces temps de crise sanitaire et de ralentissement économique où la santé mentale de plusieurs Québécois·es est mise à rude épreuve, Québec devrait ajouter une somme de 500 M$ au budget déjà prévu à cet effet afin de répondre adéquatement aux besoins de la population.
Un récent coup de sonde de l’Association canadienne pour la santé mentale à propos des effets de la pandémie a révélé que 38 % des Canadien·ne·s considèrent que leur santé mentale s’est détériorée depuis le printemps. Le sondage montre aussi que sur la même période, les pensées suicidaires ont doublé, que les personnes déjà aux prises avec des problèmes de santé mentale ont senti leur condition se détériorer et que les parents d’enfant de moins de 18 ans ont souffert mentalement. Alors que le confinement se poursuit au Québec et que plusieurs s’inquiètent pour la santé mentale des jeunes et des moins jeunes, il est temps pour le gouvernement d’agir de manière décisive.
Il faut dire qu’au Québec, contrairement à d’autres endroits dans le monde occidental, assumer collectivement les frais de psychothérapie ne fait pas encore partie de notre culture. Ce n’est qu’en 2017 que le gouvernement mettait en place un premier programme public de couverture de soins en psychothérapie assorti d’un budget récurrent de 35 M$, soit environ 146 $ pour chacune des 240 000 personnes ciblées par la mesure. Cela représente entre 1 et 2 séances chez un ou une psychothérapeute et peut-être un accompagnement pour se prodiguer des soins soi-même. Toute personne connaissant minimalement le milieu comprend que c’est insuffisant. À titre indicatif, les programmes publics de pays comme l’Angleterre ou l’Australie couvrent pour leur part entre 10 et 12 séances (p. ii). En clair, si vous voulez prendre soin de votre santé mentale au Québec, mieux vaut que vous soyez riche ou que vous ayez de bonnes assurances privées.
Cette lacune a été reconnue par le gouvernement qui, depuis le début de la pandémie de COVID-19, a augmenté le budget pour les soins en psychothérapie de 31 M$, pour un total de 66 M$. Même s’il s’agit d’un effort significatif, c’est encore bien peu, cette somme ne représentant que 0,16 % du budget de la Santé au Québec. Si nous voulions atteindre les standards de l’Angleterre ou de l’Australie, ce budget devrait plutôt être de l’ordre de 300 M$, ce qui équivaudrait alors à 0,72 % du budget du ministère de la Santé et des Services sociaux. En supposant que les demandes pour des soins psychothérapeutiques doublent dans la prochaine année, le budget nécessaire pour offrir de 10 à 12 séances de psychothérapie se situerait autour de 550 M$. Or, alors que la pandémie fait rage, il ne fait pas de doute que l’équilibre psychologique du personnel soignant, du réseau de l’éducation et de la population en général sera mis à mal et que tous auront besoin d’un soutien plus important qu’à l’habitude.
Le Québec a commencé à mettre en place de bonnes initiatives pour rendre plus accessibles les soins en santé mentale, mais il est plus que jamais temps d’augmenter la cadence et de s’octroyer un véritable programme capable de soutenir une population qui en a déjà terriblement besoin.