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Privatisation du soutien à domicile : réduire les coûts, mais à quel prix?

12 février 2025

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4min

  • Anne Plourde

Alors que les consultations sur la future politique nationale de soutien à domicile (SAD) sont en cours, on apprend que la ministre responsable des Aîné·e·s, Sonia Bélanger, accueille favorablement les propositions des entreprises privées de soins à domicile, qui souhaitent jouer un rôle accru dans ce secteur. L’argument de vente principal de ces entreprises est d’être en mesure de fournir des services pour la moitié du coût de ceux offerts par les employé·e·s du réseau public. Or, les expériences québécoises et internationales démontrent clairement que la privatisation du SAD peut générer des économies à court terme, mais que cette stratégie coûte éventuellement très cher, tant sur le plan humain que financier.

Au Québec, la privatisation des services à domicile est loin d’être un phénomène nouveau. Amorcée dès les années 1980, elle s’est accélérée suite aux réformes imposées au système de santé en 2005 et 2015. En 2023-2024, moins de 13 % des heures d’aide à domicile de longue durée ont été données par des employé·e·s du réseau public. Les conséquences désastreuses de ces choix gestionnaires sont donc bien connues, et elles sont de deux ordres.

Tout d’abord, des études menées au Québec et ailleurs dans le monde montrent que la privatisation du SAD a pour effet de détériorer les conditions de travail des soignant·e·s ainsi que la qualité des services offerts, ces deux aspects étant étroitement liés. En effet, la capacité des entreprises privées, y compris celles d’économie sociale, à fournir des services à un coût moindre que le secteur public découle directement des salaires largement inférieurs consentis à leurs employé·e·s. Or, ces conditions de travail réduites s’accompagnent également d’exigences beaucoup moins élevées sur le plan de la formation. 

À titre d’exemple, historiquement au Québec, les établissements publics ont eu tendance à exiger de leurs employé·e·s en aide à domicile des diplômes d’études professionnelles variant entre 700 et 1000 heures de formation, alors que les fournisseurs privés (entreprises à but lucratif et entreprises d’économie sociale) n’exigent parfois qu’une formation d’une trentaine d’heures. De plus, l’externalisation vers le secteur privé produit du roulement de personnel, un manque de continuité des services et une absence d’intégration des soignant·e·s au sein des équipes multidisciplinaires du réseau public, ce qui nuit également à la qualité des services et réduit la capacité du SAD à jouer un rôle dans la prévention des hospitalisations et des consultations à l’urgence, qui sont beaucoup plus coûteuses que des soins à domicile de qualité.

Ensuite, le cas des agences privées de placement de personnel nous apprend que même en adoptant une perspective strictement comptable et en mettant de côté le coût humain de la privatisation des services, il n’est pas avantageux financièrement de sous-traiter le SAD sur le long terme. Alors que le recours aux agences en aide à domicile visait précisément à réduire les coûts du réseau public, les économies réalisées se sont progressivement amoindries et, en 2023-2024, la « main-d’œuvre indépendante » coûtait désormais 6,50 $ de plus que les employé·e·s du réseau public pour chaque heure travaillée en aide à domicile, pour un surcoût annuel total de 55 millions de dollars dans l’ensemble du SAD.

Cette évolution s’explique par la dépendance structurelle croissante du réseau public à l’égard de ces entreprises. À partir du moment où elles deviennent incontournables dans la prestation de services essentiels pour la population, elles ont beau jeu d’augmenter leurs tarifs. En clair, marchandiser les soins implique de soumettre leurs prix aux mécanismes du marché et à l’impératif de profitabilité des entreprises privées, dont la nature même est d’augmenter les prix autant que la demande le permet.

D’ailleurs, le gouvernement reconnaît lui-même ces problèmes puisqu’il tente depuis la pandémie de sevrer le système de santé des agences, notamment en raison des coûts importants que le recours à ces entreprises représente pour les établissements publics. Transférer les heures de services actuellement fournies par des agences à d’autres entreprises privées reviendrait à répéter les erreurs du passé que l’on tente aujourd’hui de réparer.

Heureusement, de vraies solutions existent. Dans une étude publiée récemment, l’IRIS propose un modèle de SAD pour le Québec qui réintègre la prestation des services au sein du réseau public. Notre analyse montre qu’un tel plan est financièrement réaliste, et qu’il permettrait de réussir enfin le virage vers le SAD, sans faire de compromis sur la qualité des services.

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3 comments

  1. Super! J’ajouterais les risques d’abus dont peuvent être victimes les bénéficiaires de services à domicile qui sont vulnérables et souvent isolés avec du personnel soignant peu encadré, peu formé, etc

  2. J’aimerais entendre que le fédéral au niveau fiscalité est hors champ. Le soutien à domicile au niveau provincial est intéressant mais au fédéral que des déductions non remboursable… des solutions nul quand on comprend que les personnes âgées en majorité les impôts payés sont basses. Des programmes fédéraux que pour les riches…Voir la fiscalité serait de mise.

  3. Services à domicile dépend probablement des administrateurs et des région. Un OSBL ou coopérative? Annulation des services pour nous. Nous sommes un couple à mobilité réduite et ne sortons pas. Chez-moi la popotte était convenable nourriture et prix. Les administrateurs ont changés tout comme les services. Le prix de 9.50 pour un repas complet. Aucune stabilité que ce soit quantité, qualité, présentation, gros manque de protéine, impossible de refuser ex: la soupe poulet sans poulet à l’eau avec quelques nouilles en ajoutant des fois légumineuse dure comme une roche etc. ce qui cause problème à gérer nos ordures. On change le personnel quand c’est le traiteur qui est problématique. Autres ex: Je reçois un vendredi 4 repas de saucisses qui a un fort goût de peinture…pas contente j’attends au lundi pour me plaindre car ma poubelle a reçu ces 4 repas et on me répond qu’il est trop tard pour me rembourser. 4 fois 9.50=38.00$ et ce n’est pas la première fois que nous payons pour rien même mon mari prenait des photos pas croyable tellement on ne donne pas ça à un chien. Nul besoin de dire que l’on ne reçoit pas les services que nous payons alors on a cesser de payer notre carte de membres annuelle 25$ainsi l’annulation de la popotte.
    l’entretien ménager nous coutaient 80.00$ pour trois heures et c’était rendu inacceptable. J’avais près de 30 à 40 minutes de moins. Heure d’arrivé 5 10 minutes en retard attendait dans la rue à une heure pile afin d’être localisé le temps de se mettre au travail, 10-15 minute de repos et à 3.40h. on serrait tout pour ensuite avez-vous autres chose? J’en ai vue de toutes les couleurs, même falsifier mon chèque payé deux fois et toute une démarche avec la caisse et l’organisme et après j’ai du rembourser la Coop qui probablement après la mise à pied a probablement retenu le montant de sa paye.. Je pourrais en parler des heures tellement c’est malade. Cancellé mon ménage. J’ai reçu de bons services durant une dizaines d’années mais plus le temps avançait plus de restrictions ex: plus de vitres, plus de fourneau ménage léger époussetage. Comme la popotte le restaurant pour 2-3$ j’ai le goût, la présentation, la quantité, le choix et l’assurance d’avoir mon repas (fermée pas quand il neige, trop froid etc)
    Cela me plait si on passe au privé. J’ai toujours pensée que les employés recevait pas assez et que les client payait trop. Dans les 2 cas. L’administration devrait avoir droit que 15 ou 20% les reste la clientèle et les employés et dire que le gouvernement donne de l’argent en plus des clients?
    La classe moyenne basse reçoit 4.00h même montant que pour des gens riches. Même à la retraite on continu de payer pour les plus pauvres qui reçoivent le service pour 10$ pour 4 h.