Liberté, je crie ton nom (au tribunal) !
7 Décembre 2016
Richard Martineau, chroniqueur hyperactif (ai-je le droit de dire ça sans billet du médecin? c’est une figure de style) que l’on peut lire dans le Journal de Montréal et sur son blogue, qu’on entend à la radio, qui anime sa propre émission en plus d’être l’invité de plusieurs autres, Richard Martineau donc, dis-je, poursuit un média indépendant, un chroniqueur et un caricaturiste pour diffamation et atteinte à la réputation. De toute évidence, il ne leur reproche pas la perte de tribunes (et ce n’est pas un souhait, juste un constat)… Sous le couvert de la satire, est-ce qu’on serait allé trop loin (« on » comme pronom indéfini, je n’ai rien à voir avec le texte)?
D’un côté, disons les choses telles qu’elles le sont : je ne peux pas dire que j’ai apprécié le texte de Marc-André Cyr. D’un autre côté, la plume de Richard Martineau est loin d’être ma préférée. Je trouve que son style s’appauvrit avec le temps et qu’il attise bien plus les préjugés que la réflexion (ceci est une opinion qui, bien qu’étayée, demeure subjective et n’engage que moi). Mais il ne s’agit pas d’un procès pour déterminer lequel des deux chroniqueurs détient la « ligne juste ».
Retournons au texte. Il est vrai que le titre peut faire peur. On parle de chronique nécrologique (donc de mort) et on projette le trépas pour 2016. Toutefois, il suffit de lire le texte pour comprendre qu’on ne parle pas de l’homme, mais du chroniqueur. Pas de la vie d’une personne, mais du style d’un auteur. On souhaite la fin de sa carrière et le repos éternel de sa chronique. Sa « mort » souhaitée en est donc une médiatique, qui arrive, dans l’avenir rêvé de Marc-André Cyr, quand le public se lasse et cesse de porter attention à l’omniprésent commentateur. On a le droit de ne pas aimer, on a le droit d’être choqué. Mais ce n’est pas un procès sur le bon goût.
Qu’à cela ne tienne, même si le texte est plus cinglant que sanglant, Richard Martineau n’a pas apprécié. La liste serait bien longue si on recensait ses propres propos mal reçus par la communauté musulmane, par les féministes, par les syndicalistes, par la population étudiante ou par d’autres chroniqueurs. On pourrait également rappeler qu’il est chroniqueur et non journaliste, donc qu’il n’est pas soumis aux mêmes normes déontologiques, et que le média pour lequel il travaille ne souscrit même pas au Conseil de presse. Bref, la redevabilité semble l’intéresser bien peu. Mais ce n’est malheureusement pas non plus un procès sur la cohérence.
L’accusation porte plutôt sur l’« incitation à la haine » et l’« atteinte à la réputation ». Et elle ne tient pas la route. Richard Martineau est une personnalité publique qui semble prendre position plus pour le clic que pour la rigueur (et j’ai dit « semble », c’est ouvert à l’interprétation). Il s’ouvre donc à la critique tant et aussi longtemps que celle-ci concerne sa personne professionnelle plutôt que sur sa vie intime.
Avec qui est-il marié? Où habite-t-il? Quel est son pourcentage de tissu adipeux? Ces aspects de sa vie ne sont du ressort de l’espace public que s’il en parle (et encore). Mais ses chroniques? Tant qu’on les lit, on a le droit de les critiquer, tant sur le fond que sur la forme. Et si jamais sa plume s’éteint, qu’il ne soit pas choqué que certaines personnes ne s’en ennuieront pas.
En attendant, si jamais vous voulez aider un média indépendant à se défendre contre une poursuite qui signera son arrêt de mort (mais je vous rassure, Marc-André Cyr et sa bande survivront à leur média), c’est ici.