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Réponse à Jean-Jacques Samson : sortir des lieux communs et rendre réellement hommage aux travailleurs et travailleuses

5 mai 2015

  • Minh Nguyen

Dans sa chronique « Hommage aux bas salariés » publiée le 1er mai dernier, Jean-Jacques Samson défend la thèse qu’une hausse du salaire minimum pousserait les assisté.e.s sociaux à retourner sur le marché du travail. Son analyse implique que ces dernières et ces derniers sont paresseux alors que dans les faits, ils et elles survivent à peine. Il affirme ensuite en se référant à notre note sur le salaire viable qu’une majoration du salaire minimum à un salaire viable engendrerait une spirale inflationniste.

Cet argument, comme plusieurs autres que j’ai eu la chance d’entendre durant la dernière semaine (hausser le salaire minimum est nuisible, ça va détruire des emplois, ça faire mal aux PME, etc.), est fondé sur des lieux communs qui ne tiennent pas la route. Il est donc nécessaire de mettre les pendules à l’heure et d’arrêter la complaisance à l’égard de bon nombre d’idées reçues.

Ceci dit, il n’a jamais été question pour nous de dire qu’il faille augmenter le salaire minimum de 4 $ par heure d’un seul coup le 1er mai prochain. Lorsqu’on critique une proposition, il faut d’abord faire l’effort intellectuel d’éviter de faire dire à une recherche des choses qu’elle ne dit pas. Ce serait d’ailleurs une étude pertinente à réaliser que de penser aux modalités par lesquelles il serait possible de sortir ces travailleuses et travailleurs de la pauvreté. Plusieurs façons de procéder sont possibles. La ville de Seattle, par exemple, va augmenter le salaire minimum de manière graduelle sur plusieurs années et selon des modalités différentes selon le type et la taille de l’entreprise. À Londres, une certification pour des employeurs payant les travailleurs un salaire viable est disponible et un travail politique est fait pour que le salaire viable devienne une norme dominante d’ici 2020. On peut aussi envisager un programme gouvernemental dans lequel l’État accompagnerait les PME dans une transition graduelle du salaire minimum vers un salaire viable pour éviter un choc. Une fois qu’on a atteint un salaire viable, on indexe à l’inflation. Ceci n’est pas une liste exhaustive, bien sûr. Mais on peut voir qu’il y a des possibilités.

Par ailleurs, il n’y a pas de lien entre une augmentation du salaire minimum et une apocalypse économique. Selon une analyse de l’Institut de la statistique du Québec, entre 2005 et 2010, une croissance de 57 % d’emplois au salaire minimum est constatée de même qu’une augmentation de 24 % du salaire horaire. En Allemagne, un salaire minimum a été adopté et le taux de chômage n’a jamais été aussi bas, le nombre d’emplois se porte très bien et la hausse des prix est ponctuelle.

Pour ce qui est de la spirale inflationniste qui inquiète M. Samson, ceci est à prendre en considération : des économistes de la FederalReserve Bank of Chicago sont arrivés à la conclusion que pour chaque hausse de 10% du taux horaire au salaire minimum, il est question d’une hausse du prix de produits de 0,7%.  Ce n’est donc pas dramatique, surtout en considérant la différence que cette hausse salariale peut faire dans la vie des travailleuses et travailleurs pauvres.

Pour ce qui est de l’effet domino indirect que craint M. Samson, un analyste au ministère du Travail estime que 20% des salariés sont touchés directement ou indirectement par une hausse du salaire minimum. Autrement dit, dépassé un certain niveau de rémunération, une hausse du salaire minimum n’aura pas d’impact sur le salaire.

Bref, prenons au sérieux le phénomène des travailleuses et travailleurs pauvres. Arrêtons aussi, par le fait même, de mépriser les membres les plus vulnérables de notre société qui ont besoin de l’aide sociale. Sortons des lieux communs et pensons ensemble les problèmes politiques importants de notre époque.

Souvenons-nous donc du pacte informel entre la travailleuse ou le travailleur et l’employeur dans lequel toute personne qui occupe un emploi à temps plein devrait avoir la possibilité de sesortir de la pauvreté. Manifestement, l’existence de salaires non viables et de travailleurs pauvres est la preuve que ce pacte a été brisé. Il est maintenant temps de penser ensemble à un moyen intelligent et fonctionnel de renouveler ce pacte une fois de plus.

Penser politiquement, collectivement et concrètement un plan pour sortir toutes les travailleuses et les travailleurs de la pauvreté, voilà ce qui serait un réel hommage aux salarié.e.s à bas salaire.

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