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Qui a des actifs financiers au Québec et au Canada?

1 novembre 2021

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4min


Au Québec et au Canada, la détention d’actifs financiers est présentée comme une façon simple et généralisée d’épargner. Une variété de véhicules financiers sont proposés pour mettre de l’argent de côté et financer sa retraite, les études de ses enfants, l’achat d’une maison, un voyage ou la réalisation de rénovations importantes (fonds dans un régime de retraite, actions d’une compagnie, participation à un REER ou un CELI, etc.). Les publicités produites par les institutions financières donnent l’impression que toutes les couches de la société utilisent des outils financiers adaptés à leurs besoins pour épargner. Mais, est-ce bien le cas? Les actifs financiers sont-ils bien répartis dans la population?

L’Enquête sur la sécurité financière de Statistique Canada, qui porte sur les avoirs et les dettes des ménages canadiens, permet de s’en faire une idée beaucoup plus précise. Les données les plus récentes ont été recueillies en 2019 et diffusées en 2020.

Le premier graphique présente la répartition des actifs financiers par déciles d’avoir net (donc en divisant la population en dix groupes classés par ordre croissant de leurs avoirs totaux moins leurs dettes). Les types d’avoirs financiers y sont présentés en ordre décroissant de la valeur totale que représente chacun d’eux au pays. La population canadienne détenait 2,6 billions de dollars (2 600 G$) dans des régimes de pension d’employeur en 2019, ce qui en fait le type d’actif de loin le plus commun. Les actifs les moins usuels sont ceux détenus dans des comptes d’épargne libre d’impôt, qui représentent 251G$. Ensemble, les catégories d’actifs financiers présentés au graphique 1 totalisent 5 billions de dollars.

Le graphique ne laisse pas de doute quant à la répartition de ces actifs. Ce groupe privilégié détient au minimum 34% des actifs totaux (soit la proportion de CÉLI détenu par le 10e décile) et au maximum 83% des actifs totaux (soit la proportion d’actions et de parts qu’il détient). Si on additionne les deux déciles les plus fortunés, ces chiffres montent à 54% et 92%. Au total, le dixième le plus riche de la population possède 45% des actifs financiers au Canada. L’ajout du neuvième décile fait croître cette proportion à 66%. Cela signifie que la majeure partie de la population (80%) ne détient que 34% des actifs financiers totaux d’appartenance canadienne.

La situation ne diffère guère au Québec, comme on peut le voir au deuxième graphique. Au Québec, le 10% le plus riche de la population détient presque la moitié (46%) du billion de dollars (1000 milliards de dollars) d’actifs financiers présentés au graphique 2. Si on y ajoute le neuvième décile, on constate que le 20% le plus riche possède 68% de tous les actifs financiers de possession québécoise.

À l’inverse, on constate au Québec comme au Canada que les cinq premiers déciles de la population (les 50% les plus pauvres) possèdent une part infime des actifs financiers. Mise ensemble, cette moitié de la population possède moins de 7% des actifs financiers.

Cependant, cette concentration de la richesse risque fort d’être sous-estimée. Il faut en effet spécifier, comme l’explique Statistique Canada à propos de son enquête, que « [l]a taille de l'échantillon de l'ESF est insuffisante pour avoir un échantillon représentatif des familles économiques très riches. » Si l’on ajoute à cela les phénomènes extra-légaux comme l’évasion fiscale, à nouveau mis en lumière récemment grâce aux Pandora Papers, on comprend vite que le portrait qu’on se fait de la concentration des actifs financiers est incomplet.  

Le directeur parlementaire du budget a tenté de pallier ces lacunes en produisant en 2020 une « estimation de la queue supérieure de la distribution du patrimoine au Canada ». Ses calculs lui ont permis d’estimer que « [l]a part du patrimoine du 1 % des familles les plus riches est de 12 points de pourcentage plus élevée » que ce que révèlent les données de l’ESF. Autrement dit, alors que le 1% des familles canadiennes les plus riches était réputé détenir 13,7% du patrimoine total (actifs moins dettes) en 2016, cette proportion s’élèverait en fait à 25,6%, soit une part 87% plus élevée que ce qui avait été calculé auparavant.

Alors que certains continuent de véhiculer l’idée que s’enrichir par l’intermédiaire des  marchés financiers est à la portée de tous, l’analyse de la répartition de la richesse au Canada et au Québec montre que c’est tout le contraire qui se produit dans la réalité.

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