Qu’est-ce qui se passe en Grèce?
20 février 2012
On a beaucoup parlé de la Grèce dans la dernière année. Parfois pour nous annoncer un sauvetage, souvent pour nous annoncer la fin qui approchait. Parmi l’avalanche de nouvelles que nous avons eu sur ce pays, ce petit billet veut synthétiser ce qui s’est écrit de plus intéressant au sujet de la Grèce dans les deniers temps. Deux sujets majeurs: qu’est-ce qui a causé la « crise grecque » et quelle est la nature du plan d’austérité qu’on impose en ce moment à sa population contre son gré.
Aux origines de la crise
Il n’est pas faux de dire que la Grèce avait d’importants problèmes de finances publiques. Cela dit, comme nous regardons ce phénomène de loin au Québec, le seul commentaire qu’on entend c’est : « les Grecs vivaient au-dessus de leurs moyens ». C’est oublier rapidement certains faits.
Comme le souligne The Economist, la Grèce n’est pas le seul pays qui a des problèmes. L’Irlande et l’Espagne, par exemple, sont dans l’eau chaude tout en accumulant pourtant des surplus budgétaires. D’abord ces pays vivaient sur la croissance de secteurs (immobiliers et financiers) qui profitaient d’une bulle, mais surtout, sur les investisseurs allemands qui avaient tout intérêts à financer ces pays (la Grèce en est l’exemple éclatant) pour maintenir le pouvoir d’achat de ces économies périphériques et y écouler leurs produits tout en économisant. Des liens intéressants seraient à tracer avec le financement de la dette étasunienne par la Chine (ce qui nous permettrait de cesser de voir se multiplier ce genre de délire).
Le nouveau plan d’austérité
En mi-février le gouvernement grec a accepté un nouveau plan d’austérité dont les mesures sont bien détaillées dans ce texte du Figaro. Alternatives économiques nous rappelle par ailleurs que la Grèce a déjà subi des mesures d’austérité passablement sévères.
On y reconnait les habituelles luttes au déficit et les coupures imposantes dans les services publics. Une mesure qui marque cependant par son originalité est celle des demandes de diminution des salaires.
Un article dans Le Monde Diplomatique de ce mois-ci y porte une fort éclairante attention. D’abord on nous montre que cette situation ne touche pas que la Grèce, mais bien d’autres pays comme la Roumanie ou la Belgique. L’objectif est de suivre l’exemple allemand et de réussir pas seulement à éliminer les hausses de salaires (même pour suivre l’inflation), mais bien à forcer des diminutions immédiates de la valeur nominale des salaires. D’où la baisse de 22% du salaire minimum en Grèce par exemple (signalons qu’il se situe en ce moment au chiffre faramineux de 4,28€ de l’heure – soit un peu plus de 5,50$).
Ensuite, on pointe vers le pourquoi de ces mesures en citant le président José Manuel Barroso : « Ce qui se passe actuellement, est une révolution silencieuse, à petits pas, vers une gouvernance économique plus forte. Les Etats membres ont accepté — et j’espère qu’ils l’ont bien compris — d’octroyer aux institutions européennes d’importants pouvoirs en matière de surveillance. » Cette révolution silencieuse, c’est la révolution de la compétitivité accrue par la réduction des salaires. Compétitivité face à l’étranger, mais aussi compétitivité à l’interne pour stimuler l’activité économique de l’Europe. L’article du Monde Diplomatique montre bien à quel point cette stratégie ne tient pas compte du fait qu’elle peut fonctionner pour Berlin justement parce que personne d’autre ne l’utilisait dans la zone Euro.
On se rend compte, donc, que l’Union Européenne est bel et bien en train de prendre des politiques économiques communes sur des questions prétendument réservées aux États nationaux comme les salaires, mais tout cela s’opère sans débat politique. C’est l’argument central de l’austérité : il faut la réaliser par nécessité. Nous verrons dans les prochains textes de cette série que l’austérité n’est probablement pas une bonne solution, mais qu’en plus, elle est mise en place par des dirigeants dont la légitimité démocratique est pour le moins discutable.