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Quelles alternatives à la réforme de l’assurance-emploi?

30 avril 2013


Au lendemain de la manifestation syndicale du 27 avril contre la réforme de l’assurance-emploi et quelques semaines après l’annonce du gouvernement Marois de la tenue d’une commission nationale d’examen de cette réforme, que comprenons-nous du contexte dans lequel elle s’inscrit et des impacts qu’elle aura sur la population?

La nouvelle réforme de l’assurance-emploi présentée par le gouvernement conservateur s’inscrit à la suite de nombreuses autres initiatives similaires entrées en vigueur depuis le début des années 1990. Selon le Conseil national des chômeurs, la multiplication des critères d’admissibilité ainsi que les réductions des montants et des durées de prestations ont fait passer le ratio prestataires/chômeurs de 85% en 1989, à 49% en 2012.

La réforme entrée en vigueur en janvier dernier instaure un nouveau classement des prestataires en trois catégories : travailleurs-euses de longue date, prestataires occasionnels et prestataires fréquents. Sans surprise, les plus importantes transformations concernent la dernière catégorie, formée à 80% de travailleurs et travailleuses saisonniers dont 70% résident au Québec ou dans les Provinces atlantiques.

Les nouvelles mesures développant la flexibilité de la main d’œuvre (notamment celle obligeant une personne à accepter un emploi qui se situe jusqu’à une heure de transport de son domicile) auront des impacts notables sur plusieurs types de travailleurs et de travailleuses. Premièrement, l’effet se fera sentir dans plusieurs communautés, notamment en région, qui dépendent d’un seul employeur qui embauche qu’une partie de l’année. Deuxièmement, l’immigration n’est plus motivée par des valeurs d’aide humanitaire, mais par la formation d’un réservoir de main d’œuvre dangereusement flexible. Troisièmement, les femmes, qui représentent plus de 50% de la main-d’œuvre employée à temps partiel, sont principalement touchées puisque l’accès à l’assurance-emploi est déterminé par un nombre d’heures accumulées.

Avec ces dernières réformes à l’assurance-emploi, le gouvernement se soumet aux aléas d’un marché de l’emploi qui exige une flexibilité sans cesse grandissante. Forcer les chômeurs et chômeuses à accepter des emplois moins bien rémunérés et offrant des conditions de travail inférieures aura un effet régressif sur l’ensemble du marché. Ces réformes encouragent aussi un double exode des campagnes vers les centres urbains et de l’est vers l’ouest du pays où un nombre croissant d’industries pétrolières ont besoin de main d’œuvre en région très éloignée. Enfin, elles stimulent la tendance récente à découpler le lieu de travail et le lieu de vie.

Au cours du colloque sur la réforme de l’assurance-emploi organisé par Économie autrement et l’ARUC-GATS (Alliance de Recherche Université Communauté sur la gestion des âges et des temps sociaux) qui se tenait le 26 avril, les intervenant-e-s ont traité des précédents enjeux et aussi d’une piste de solution : la création d’une assurance-chômage québécoise en remplacement de l’assurance-emploi fédérale en décomposition.

Ce projet, soutenu par l’économiste Pierre Fortin et l’ancien actuaire en chef du Programme fédéral d’assurance-emploi, Michel Bédard, obtient un appui grandissant dans le milieu syndical au Québec. Un programme québécois aurait l’avantage de pouvoir s’accorder plus facilement avec les autres programmes d’assistance sociale et aurait comme objectif d’offrir une protection plus complète que le système fédéral actuel.

La proposition est tout de même loin du consensus, notamment en raison du calcul à savoir si le Québec est ou non un bénéficiaire net du régime fédéral (Roger Valois et Yves Lessard, Hans Marotte et Pierre Dubuc). Lors du colloque, le co-président de la Commission nationale d’examen, Gilles Duceppe, a affirmé qu’il serait possible de financer une assurance-chômage québécoise en élargissant l’assiette de cotisation à des salarié-e-s qui actuellement n’y cotisent pas (par exemple, la Sûreté du Québec).

Mais certaines questions se posent néanmoins. Avec la succession à Québec de gouvernements appliquant des mesures d’austérité semblables à celles du gouvernement conservateur, comment s’assurer qu’un prochain gouvernement provincial instaurerait une assurance-chômage qui comprendrait le chômage non pas comme un problème individuel, mais comme une faille inhérente au système capitaliste?

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