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Projet Montréal, des radicaux ?

9 novembre 2017

  • Bertrand Schepper

À la suite de l’élection de Valérie Plante, nous avons assisté à une incompréhension généralisée des chroniqueurs et chroniqueuses des médias francophones, au point qu’on a l’impression que les médias sont en deuil. Devant cette situation il y a eu plusieurs réflexes : certains ont demandé à ce que la nouvelle mairesse rassure les milieux d’affaires, d’autres ont critiqué l’inexpérience de Projet Montréal pourtant en place depuis 15 ans. C’est à croire que les représentant·e·s des médias ne pouvaient pas imaginer la possibilité qu’outre une mauvaise campagne de Denis Coderre,  les montréalais·es soient allé·e·s voter avec enthousiasme pour un projet qui s’éloignait de la gestion opaque et néolibérale. Bref, les éditorialistes s’inquiètent… mais de quoi au juste

Ces inquiétudes semblent fondées sur l’impression que les idées de gauche sont tellement éloignées du consensus qu’elles sont en fait irréalistes, voire radicales. Comme si le statu quo ne devait jamais être transformé.

Mais dans le cadre des politiques publiques qu’est-ce qu’une idée radicale ?

Le Petit Larousse définit le terme radical comme : « Qui présente un caractère absolu, total et définitif ». Vouloir amener plus de transparence et instaurer une nouvelle ligne de métro dans la métropole? Projet Montréal ne m’apparait pas comme radical.

Le projet de ligne rose par exemple, est-ce si novateur ?  En fait partout dans le monde le transport en commun prend de l’expansion. En 2014, 513 nouveaux kilomètres de métros ont été inaugurés dans le monde, incluant 55 nouvelles stations. Entre 2000 et 2015, selon l’Union internationale du transport public (UITP), il y aurait eu une augmentation de 20 % de l’utilisation du transport public.

En plus d’être soutenu par  83 % des Montréalais·es, le projet de ligne rose tient la route selon l’avis d’experts. Rappelons que la mise en place de la ligne rose couterait un estimé de 5,9 G$ d’ici à 2028 pour un projet qui compterait 18 stations sur 21 KM.

Si ce montant parait élevé, il reste toute proportion gardée comparable au trajet lié à l’extension de la ligne orange vers Laval. Cet ajout, réalisé en 2007, d’une ligne creusée sous la rivière sur 4,9 km, comprenait 3 stations et aurait coûté 911 M$ aujourd’hui. Selon cet ordre de grandeur, un projet 4 fois plus grand et comportant 6 fois plus de stations semble réaliste avec le budget proposé. Présentement le métro français du Grand Paris Express qui devrait commencer à être fonctionnel entre 2020 et 2030 a des coûts estimés de 175 M$ par km tandis que le projet de la ligne rose est de 203 M$; prenant en considération le climat québécois et la plus petite superficie du projet montréalais (donc moins d’économie d’échelle), cela semble réaliste.

De plus, la méthode du tunnelier, privilégiée par Projet Montréal,  a  fonctionné avec succès à Barcelone pour la ligne 9 qui, à terme, sera la plus grande d’Europe. Donc à première vue, le projet tel que proposé est réaliste en termes de coût et de faisabilité. Il est novateur pour Montréal, mais en parfaite continuité avec la tendance mondiale.

Une question demeure : comment payer ?

Présentement, il y a effectivement un momentum pour financer le transport en commun et les infrastructures en général. Le fédéral a par exemple offert 4,8 G$ à Toronto en juillet dernier pour améliorer le transport en commun. Malgré qu’il s’implique déjà dans le financement du REM à hauteur de 1,3 G$, on peut croire qu’il sera tenté de financer une part du projet puisque cela reste un choix logique pour soutenir l’économie québécoise et canadienne (p. 5). D’ailleurs, les deux paliers de gouvernement se disent ouverts à discuter du projet.

À l’heure des Accords de Paris et de la transition écologique, si « chère » à nos gouvernements, l’investissement dans le transport collectif s’avère plus dans l’ère du temps qu’une transformation de la société.

La relation avec le milieu des Affaires

Je suis encore surpris que, à la suite de l’élection d’une mairesse considérée de gauche, les médias s’évertuent à exiger de rassurer le milieu des affaires. Lors de l’élection d’une personnalité de droite ou de centre, personne n’exige que l’on rassure le milieu communautaire ou syndical ? Bien sûr, le milieu des affaires est prudent face à la nouveauté, mais il est évident que l’activité économique de Montréal ne s’écroulera pas d’elle-même à cause d’un changement de mairesse. Les gens d’affaires ne vont soudainement pas arrêter de vouloir augmenter leur capital.

En ce sens, Projet Montréal est loin de représenter le radicalisme; au plus, il s’agit d’une incertitude à court terme pour les chambres de commerce.

Bref, en gestion publique, nous avons parfois le radicalisme bien facile au Québec. Ainsi, certains projets considérés comme radicaux à l’époque ont construit le Québec et le Montréal d’aujourd’hui: pensons à l’Expo 67, la nationalisation de l’hydro-électricité ou à la mise en place des CPE. Toutes des idées considérées comme irréalistes et qui définissent le Québec d’aujourd’hui. Devant ces projets majeurs, améliorer le transport en commun à Montréal me semble bien réaliste et certainement pas radical.

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