Préparer intelligemment la prochaine crise
8 octobre 2018
Les indicateurs pointent en direction du déclenchement d’une crise en 2019 ou en 2020. Parmi les facteurs qui contribueront à plonger l’économie dans la récession figure notamment la croissance de l’inflation à laquelle les banques centrales réagiront en réduisant plus avant les liquidités dans l’économie.
Au Canada, ceci pourrait avoir pour effet d’étrangler les ménages dont l’endettement a atteint des sommets historiques dans les dernières années. Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, admettait même que le prix de l’immobilier – principale composante de l’endettement des ménages – est l’une des choses qui « l’empêchent de dormir la nuit »…
Facteurs énonciateurs
Les facteurs annonciateurs de la crise sont nombreux : les guerres commerciales lancées par Washington contribueront au ralentissement de la croissance, tout comme l’épuisement des stimuli fiscaux offerts par Donald Trump aux États-Unis sous forme de baisses d’impôt.
De son côté, la Chine ne parvient pas à régler ses problèmes de surproduction. Les économies dites émergentes sont confrontées à de graves problèmes d’endettement public, et l’Union européenne n’a toujours pas dépassé le stade de la lente et fragile reprise. Enfin, la surévaluation des marchés boursiers va de pair avec une phase d’expansion du cycle économique excédant déjà largement la norme.
Pire : la plupart des gouvernements occidentaux ont épuisé la marge de manœuvre leur permettant d’absorber à même les finances publiques les contrecoups d’un nouveau choc de l’ampleur de celui de 2008.
Or il sera beaucoup plus difficile cette fois-ci de refiler aux populations déjà échaudées la facture des pots cassés par les élites.
Menacés par les tenants d’une plus grande socialisation de l’économie d’un bord et par des nationalistes nauséabonds de l’autre, on s’imagine mal les gouvernements libéraux survivre à toute tentative de répéter le coup des politiques d’austérité à grande échelle.
Devant toutes ces incertitudes, un gouvernement québécois responsable doit prendre à bras-le-corps la crise économique et la crise écologique.
Rappelons que l’un des facteurs qui auraient contribué à limiter l’impact de la crise de 2007-2008 au Québec est l’importance de l’économie publique, soit la part des dépenses et revenus de l’État dans l’ensemble de l’économie. Souvent décrié comme une anomalie par les idéologues néolibéraux, ce particularisme québécois agit comme un stabilisateur automatique en cas de ralentissement économique.
En effet, les crédits votés par le Parlement se maintiennent au moment où l’investissement privé est plombé par l’incertitude économique, nourrissant ainsi plus avant le cercle vicieux qui mène à la récession. Ainsi, limiter la capacité d’action de l’État par de nouvelles baisses d’impôts serait une erreur.
Un gouvernement confronté à la récession devrait aller plus loin et lancer un plan de relance économique à l’aide d’investissements publics majeurs.
« Investir » signifie dessiner les contours de l’économie de demain, et la crise offrira une occasion formidable d’amorcer une transition écologique à même des grands chantiers d’efficacité énergétique, d’économie circulaire, de transformation des moyens de transport, etc.
L’appel favorable à un « New Deal » vert n’avait pas été entendu lors de la dernière crise économique. Un gouvernement responsable doit donc éviter à la fois les récifs du déni et ceux de l’abandon, et mettre en branle dès maintenant et une fois pour toutes une transition écologique digne de ce nom.
Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 8 octobre 2018 de La Presse