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Pourquoi il ne faut pas privatiser Postes Canada

16 avril 2014


Dans les derniers mois, on dirait que Postes Canada a tout fait pour qu’on veuille privatiser ses services. D’abord, on nous annonce que la distribution à domicile ne se fera plus dans certaines villes. Ensuite, on hausse radicalement le prix du timbre, le faisant passer à 1$. Beaucoup de gens y verront une bonne raison de se dire : pourquoi continuer à avoir un service public dont on pourrait éventuellement avoir à payer les déficits si c’est pour avoir des diminutions de services et des hausses de tarifs? Prenons garde à ce réflexe, la privatisation de Postes Canada pourrait bien mener à multiplier ces problèmes plutôt qu’à les résorber.

Dans une note parue aujourd’hui qui se penche sur les expériences européennes de privatisation et de libéralisation dans le domaine des postes, nous montrons que privatiser n’est pas la panacée que certains prétendent. D’abord, dans la vie quotidienne des gens la concurrence ne sera pas si visible. En effet, en Angleterre, en Allemagne ou en Suède, plus de 90% des envois postaux se font encore à travers les anciens monopoles publics. En plus, le prix du timbre n’y a pas diminué, il est  relativement stable connaissant même de légères augmentations. Les systèmes encore publics du Canada et des États-Unis offraient encore en 2013 des timbres beaucoup moins chers que ceux des pays européens où les postes étaient privatisées ou libéralisées.

Bref, à première vue, la privatisation n’est ni une panacée ni une catastrophe, elle ne change pas grand-chose à la vie des gens. Cependant, quand on y regarde de plus près, on peut voir certains avantages et inconvénients.

Parmi les avantages, on note une diminution du prix du timbre pour les client.e.s qui font beaucoup d’envois ou pour les achats de masse. De plus, en ouvrant le marché aux investisseurs privés, Postes Canada pourrait aller chercher du nouveau financement qui, lui, est en ce moment inaccessible. D’aucuns espèrent également qu’une privatisation permettrait aussi au gouvernement de se départir de sa « responsabilité » de sauver Postes Canada dans un contexte financier difficile avec l’argent public. Possible légalement, mais le gouvernement fédéral pourrait-il moralement laisser le public canadien sans un service postal? Poser la question, c’est y répondre.

Du côté des inconvénients, on note tout d’abord la diminution de la qualité du service offert : fermetures de bureaux de poste, diminution du nombre de boites postales et augmentation de la publicité. Ce dernier élément est la conséquence directe de l’avantage mentionné plus haut : les prix baissent pour les envois de gros, qui sont souvent de la publicité. Si des entreprises ont des meilleurs prix et en achètent plus, il faut bien que des gens les reçoivent ces pubs. Autre inconvénient : la difficulté de maintenir un service universel. En fait, celui-ci est souvent préservé à coup d’interventions gouvernementales : des subventions, des régies ou d’autres procédés pour s’assurer de maintenir un prix d’envoi équivalent sur tout le territoire. En l’absence d’une telle intervention, il est évident que les prix dans les milieux ruraux vont augmenter.

Enfin, dernier inconvénient, évident celui-là, c’est la baisse des conditions de travail des employé.e.s des postes. On le voit partout en Europe, la privatisation signifie des pertes d’emploi et des diminutions de salaire – la ville de Berlin a d’ailleurs dû subventionner les entreprises postales pour qu’elles paient mieux leurs travailleurs et travailleuses.

Au final, il nous apparait clair que les minces avantages sont largement dépassés par les inconvénients d’une privatisation ou d’une libéralisation de Postes Canada. Cela ne signifie pas qu’il faille nier les défis qui l’attendent. D’autres solutions existent : le service bancaire postal que proposent les gens du Centre canadien de politiques alternatives en est une. L’amélioration de la livraison du colis avec, par exemple, des lieux de dépôt et de réception « 24h » ou la livraison de nuit. Enfin, on peut garder en tête que la livraison du courrier c’est aussi un.e fonctionnaire qui se rend chez tous les citoyen.ne.s chaque jour : peut-on maximiser cette réalité? La Belgique a tenté quelques expérimentations en leur faisant confectionner et livrer les plaques d’immatriculation très rapidement, mais aussi les prescriptions pour les personnes âgées et même l’épicerie. Pourquoi ne pas envisager de nouvelles solutions plutôt que de toujours se tourner vers la privatisation?

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