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Pour des politiques publiques de vacances

4 juillet 2024

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4min

  • Eve-Lyne Couturier

La semaine dernière, ma collègue Julia Posca rappelait que les vacances étaient un privilège acquis de chaude lutte par les travailleurs et travailleuses. Au Québec, ce sont deux à trois semaines de vacances qui sont garanties par les normes minimales du travail grâce, notamment, à des pressions du mouvement ouvrier. Toutefois, il y a une marge entre l’accès à des semaines de congé, et l’accès à de véritables vacances. Alors que près de trois ménages québécois sur quatre croient qu’il est important de prendre des vacances estivales, ils ne sont que 61% à avoir prévu arrêter de travailler cet été. 

De quoi aurait l’air des politiques qui garantiraient la prise de vacances? Au Québec, la législation porte principalement sur la longueur minimale des pauses, ainsi que leurs fréquences. En plus des 2 à 3 semaines de vacances (selon l’ancienneté) obligatoires, les normes minimales du travail garantissent 12 jours de congés fériés. Si cela correspond plus ou moins à la norme au Canada, le Québec est beaucoup plus généreux que les États-Unis (aucune garantie de congé), mais beaucoup moins que l’Europe (au moins 4 semaines de vacances et jusqu’à 15 jours fériés). 

Au-delà du temps libéré du travail, il faut également avoir les moyens et la possibilité de réellement décrocher du quotidien. Alors que les vacances ont de tout temps été un défi pour de nombreux ménages à faible revenu, l’inflation récente a fait augmenter de façon importante les coûts liés aux voyages pour tout le monde. Par exemple, les prix des vols d’avion, de l’hébergement et des repas au restaurant ont connu d’importantes hausses, tout comme celui des activités, et ce au Québec comme à l’étranger

Différentes politiques publiques existent à travers le monde pour soutenir la prise de vacances. Outre les congés payés qui permettent d’arrêter de travailler sans pénalité pécuniaire, dans certains pays, il n’est pas rare qu’une compensation soit versée pour couvrir les dépenses supplémentaires liées à la prise de vacances. En Grèce, au Portugal, en Espagne et en Italie, la plupart des salarié·e·s reçoivent une prime de vacances qui représente plus ou moins un mois de salaire à la fin de l’année ou au printemps. En France, le « treizième » mois est également fréquent dans les contrats de travail, bien que non généralisé. Aux Pays-Bas, ce sont deux semaines de salaire qui sont versées en supplément au début de l’été.

Il existe également des programmes pour subventionner les vacances locales. Depuis 1939, la Suisse offre le chèque-Reka qui peut être échangé dans des établissements du pays pour payer l’hébergement, les frais de restauration ou des sorties et activités. Plus du quart de la population l’utilise chaque année, rendant plus abordable le tourisme local. En France, c’est environ 4 millions de personnes qui ont accès à des chèques-vacances vendus ou offerts par leurs employeurs ou à travers des programmes sociaux. Les entreprises qui offrent cet avantage bénéficient en retour d’exonérations de charges salariales

Au Québec, il est rare que le contrat de travail inclue une prime de vacances et il n’existe aucun programme public pour subventionner les vacances locales. Toutefois, lors du grand confinement de 2020, un nombre limité de cartes d’accès aux parcs de la SÉPAQ ont été vendues à moitié prix. Bien que le contexte était favorable à la fréquentation des parcs nationaux (fermeture des frontières, restrictions des activités intérieures, etc.), une partie de l’achalandage record survenu en 2020 a été attribuée à la réduction du coût des cartes d’accès, soit près de 20% de la fréquentation des parcs selon l’organisme. L’initiative a depuis été reconduite (bien qu’avec un rabais moindre) et des accès gratuits ont été distribués à travers certains organismes communautaires. Le gouvernement permet également de rembourser une part des dépenses liées aux camps de vacances et aux camps de jour à travers le crédit d’impôt pour frais de garde ou pour activités des enfants. Toutefois, ces crédits ne sont pas remboursables, ce qui veut dire qu’il faut d’abord payer de l’impôt pour en bénéficier. Les ménages mieux nantis s’en trouvent avantagés, puisque leur réduction d’impôt sera plus grande que celle des ménages plus pauvres.

Au-delà de ces maigres programmes, un coup de barre est nécessaire pour que l’ensemble des Québécois·es aient accès à des vacances. Non seulement les congés sont bons pour la santé mentale de celles et de ceux qui les prennent, mais ils permettent d’améliorer la productivité en plus de représenter une activité économique importante pour les communautés qui reçoivent les touristes. De plus, le fait de prendre des vacances avec sa famille ou ses ami·e·s permet de renforcer les liens, tandis que les contacts avec la nature augmentent le désir de préserver l’environnement. En ces temps où les tensions sociales sont fortes et que la planète brûle (littéralement), favoriser les vacances devient un impératif moral.

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1 comment

  1. Il semble bien que c’est via la tirelire que l’on influence le plus le comportement des gens. Si, pour chaque semaine de vacance prise en dehors des périodes d’affluence, l’employeur en donnait une en rabais dans des centres de villégiature locaux, ça améliorerait le tourisme local.