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Pénurie de main-d’Å“uvre : le gouvernement n’a pas utilisé tous les outils à sa disposition

3 septembre 2019

  • Julia Posca

La rareté de la main-d’œuvre continue de faire les manchettes en cette fin d’été, une situation qui devrait perdurer pour un certain temps encore, alors que l’économie du Québec croît de manière soutenue et même de façon plus vigoureuse que dans le reste du Canada.

Dans les dernières semaines, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale a déployé des efforts pour s’attaquer à ce problème persistant. Le 12 juillet, Jean Boulet annonçait des investissements de 2,7 millions de dollars destinés aux entreprises pour « couvrir 85 % des coûts liés à l’élaboration de moyens facilitant l’embauche et le maintien en emploi, notamment la prolongation de la vie professionnelle, des travailleurs expérimentés. »

Le 22 août, le gouvernement concluait une « entente avec le gouvernement fédéral concernant le volet régional du programme Stratégie emploi et compétences jeunesse (SECJ), qui représente environ 135 millions de dollars d’ici 2025. » Ces sommes seront allouées à des services visant à faciliter l’intégration des jeunes au marché du travail.

Enfin, le 26 août dernier, M. Boulet faisait l’annonce de nouveaux investissements de 54,8 millions de dollars jusqu’en 2021, soit 20,9 millions de dollars pour « financer quatre nouvelles mesures destinées aux entreprises souhaitant recruter des travailleurs étrangers temporaires » et 33,9 millions de dollars pour « faciliter l’intégration en emploi des travailleurs immigrants. » Il s’agit plus spécifiquement de mesures d’aide financière pour le recrutement et le déménagement des travailleuses et travailleurs recrutés, ainsi que de la bonification du Programme d’aide à l’intégration des immigrants et des minorités visibles (PRIIME) et du Programme d’intégration en emploi de personnes formées à l’étranger référées par un ordre professionnel (IPOP).

Ces mesures visent toutes à aider les employeurs à garder des salarié·e·s en emploi ou encore à trouver de nouveaux employé·e·s. À ce propos, mentionnons seulement qu’on s’attendait à ce que des mesures soient prises pour faciliter l’arrivée de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, à la fois parce que le gouvernement subit depuis plusieurs mois des pressions en ce sens de la part de divers regroupements d’employeurs, dont ceux du milieu de la restauration, et parce que la baisse des cibles d’immigration, décrétée par François Legault en début de mandat, a privé le Québec de personnes en âge de travailler. Ce faisant, le gouvernement caquiste confirme toutefois qu’il a une vision étroitement économique et utilitaire de l’immigration, en contradiction avec l’image qu’il avait voulu se donner d’un gouvernement soucieux de « prendre soin » des immigrantes et des immigrants.

Ce que ces mesures ne font pas, cela dit, c’est rendre les postes actuellement vacants plus attrayants pour les personnes susceptibles de les occuper. En effet, la difficulté des entreprises à recruter du personnel n’est pas étrangère à la question des conditions de travail offertes. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder quelles sont les professions les plus en demande. 

Les données de Statistique Canada montrent qu’au premier trimestre de 2019, les dix professions pour lesquelles il y avait le plus de postes à pourvoir (28 % des postes vacants au Québec) étaient les suivantes : serveurs/serveuses au comptoir, aides de cuisine et personnel de soutien assimilé; vendeurs/vendeuses – commerce de détail; autres préposé·e·s aux services d’information et aux services à la clientèle; aides-infirmier·e·s, aides-soignant·e·s et préposé·e·s aux bénéficiaires; conducteurs/conductrices de camions de transport; infirmier·e·s autorisé·e·s et infirmier·e·s psychiatriques autorisé·e·s; programmeurs/programmeuses et développeurs/développeuses en médias interactifs; cuisiniers/cuisinières; garnisseurs/garnisseuses de tablettes, commis et préposé·e·s aux commandes dans les magasins; préposé·e·s à l’entretien ménager et au nettoyage – travaux légers.

La majorité de ces professions sont ainsi peu qualifiées et offrent un faible salaire horaire (entre 12,65 $ et 15,80 $). Deux autres se trouvent dans le secteur de la santé, où le personnel se plaint depuis plusieurs années de conditions déclinantes. La profession de camionneur présente quant à elle des exigences en termes d’horaire difficilement conciliable avec, entre autres, la vie de famille. Les emplois en programmation et en développement de médias interactifs font ici figure d’exception.

Aux vues de ces résultats, il semble donc nécessaire de rappeler qu’une hausse du salaire minimum permettrait de faciliter le recrutement et la rétention de personnel pour nombre de ces postes. Et difficile de trouver meilleur moment pour le faire, alors que les entreprises affirment devoir refuser de nouveaux contrats (et donc de nouvelles sources de revenus) faute de main-d’œuvre, et que, d’un point de vue macroéconomique, la croissance est soutenue.

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