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Mise à jour fédérale: Vers la financiarisation des infrastructures canadiennes?

3 novembre 2016

  • Guillaume Hébert

Une semaine après son homologue québécois, le ministre des Finances du Canada, Bill Morneau, dévoilait hier à Ottawa une mise à jour économique. Voici ce que nous en retenons.

Il faut d’abord y voir une réponse à la conjoncture économique. Comme ailleurs dans le monde, le capitalisme canadien stagne – on ne semble même plus croire à une éventuelle reprise – et le gouvernement cherche à jouer un rôle de stimulation. Est-ce assez? Tout semble indiquer que non.

Un gouvernement qui prendrait le taureau par les cornes pourrait aller bien plus loin. À titre d’exemple, dans leur dernier budget alternatif fédéral, nos collègues du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) proposaient un plan de relance qui porterait le déficit à plus de 2 % du PIB la première année, mais créerait 360 000 emplois. Le déficit fédéral a beau faire couler beaucoup d’encre, il demeure très petit (1,2 % du PIB), et en deça de ce qui était prévu : 25 milliards de dollars plutôt que 29 milliards (p. 63 de la mise à jour économique).

Néanmoins, l’essentiel de la mise à jour d’hier ne se trouve pas dans la taille du déficit : elle se trouve du côté des infrastructures, ou plus précisément du choix du ministre Morneau concernant les moyens d’accroître son plan d’investissements dans plusieurs type d’infrastructures. Il a décidé d’y consacrer beaucoup plus de milliards mais, pour ce faire, il s’éloigne de la méthode de financement conventionnelle et lui préfère une participation massive de financement privé. Il s’agit d’une nouvelle approche de financement des infrastructures canadiennes, et c’est ce que l’on doit retenir de la mise à jour.

Le précédent gouvernement conservateur avait orienté sa stratégie économique sur l’économie extractiviste (avec les déboires que l’on sait). Dira-t-on du gouvernement Trudeau qu’il opère un passage aussi lourd de sens en tissant des liens aussi forts avec la haute finance? M. Morneau n’a d’ailleurs pas caché qu’il entend courtiser les fonds de pension pour faire financer son plan d’investissement :

« Nous avons décidé qu’il y a une opportunité pour nous de travailler comme partenaire avec les fonds de pension. Nous savons que les fonds de pension ont maintenant beaucoup d’argent et ils veulent avoir des possibilités d’avoir des projets en infrastructure. Nous savons que c’est possible d’avoir 4 ou 5 $ pour chaque dollar du fédéral [investi] » (Journal de Montréal, 1er novembre 2016)

Un nouvel organisme, la Banque de l’infrastructure du Canada, sera chargé de piloter ces nouvelles manœuvres avec l’aide d’un capital de départ de 35 milliards de dollars.

Cette nouvelle approche soulève évidemment de nombreuses questions.

Est-ce que la propriété des actifs, les infrastructures, sera partagée avec les investisseurs? Le gouvernement entendra-t-il démultiplier les partenariats public-privé (PPP) malgré tout le plomb présentement dans l’aile de cette formule de financement ? Chose certaine, la pression du rendement sera forte avec ces bailleurs de fonds privés. Le graphique 2.2 montre l’ampleur du financement privé anticipé pour les projets d’infrastructures :

Source : Gouvernement du Canada, Énoncé économique de l’automne 2016, p. 33.

Est-ce que la pression se fera sentir sur la qualité ou l’accessibilité des services? Est-ce que ces financiers rendront nécessaire une tarification accrue pour l’utilisation des infrastructures? Ou est-ce que la nécessité de dégager des rendements plus intéressants aura pour effet d’amener les autorités à préconiser des projets rentables aux dépens de projets socialement plus souhaitables? Toutes ces questions demeurent en suspens pour le moment.

Il n’y avait aucune annonce sur les transferts en santé dans ce budget, ce qui n’est guère surprenant. Mais l’on peut tout de même rappeler que ce gouvernement fédéral a consenti des baisses d’impôts dans son dernier budget, dont on se rappelle presque seulement pour le déficit que les Libéraux avait judicieusement annoncé en campagne électorale. Sans ces baisses d’impôts, le gouvernement fédéral aurait davantage de marge de manœuvre aujourd’hui, notamment dans ses négociations avec les provinces relativement aux transferts.

Terminons, enfin, avec ce qui a toutes les apparences d’une bonne nouvelle : le gouvernement a l’intention de renforcer l’indépendance de Statistique Canada et du Directeur parlementaire du budget. Nous serons ainsi plus à même de demander à MM. Trudeau et Morneau de rendre des comptes sur cette nouvelle politique d’investissement en infrastructures.

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