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Lutte contre l’intimidation: un exemple de succès

6 novembre 2014


Le phénomène de l’intimidation chez les jeunes a été grandement médiatisé au cours des dernières années au Québec. Cette prise de conscience collective a entrainé les différents acteurs et actrices politiques et sociaux à vouloir mettre en place des mesures efficaces visant la diminution des actes d’intimidation et du nombre de victimes.

Si le Québec a connu son lot de drames découlant de diverses actions reliées à l’intimidation, il n’en demeure pas moins que le phénomène est présent partout sur la planète. Certains pays se sont déjà penchés sur le problème, et divers programmes ont été mis en place pour contrer ce phénomène. Un pays se démarque toutefois quant à l’efficacité de son programme anti-intimidation: la Finlande.

Le Ministère de l’Éducation et de la Culture de Finlande a financé le développement du programme KiVa, dont l’implantation progressive a débuté en 2007 dans une centaine d’écoles. Développé à l’université de Turku, le programme est le fruit d’une collaboration entre le département de psychologie et le centre de recherche sur l’apprentissage. Son public cible est la population étudiante du primaire et du secondaire, soit les jeunes de 7 à 16 ans.

Une base théorique solide et une approche préventive

KiVa est un programme d’intervention basé sur des études concernant le statut social des jeunes démontrant un comportement agressif en général et ceux et celles pratiquant l’intimidation en particulier, ainsi que sur le rôle des acteurs et actrices participant aux gestes d’intimidation. Ces recherches suggèrent que les gestes d’intimidation seraient en partie motivés par le désir d’un statut supérieur et d’une position de pouvoir à l’intérieur du groupe de pairs. L’intimidation serait donc un phénomène de groupe à l’intérieur duquel l’attitude des spectateurs et spectatrices aurait un effet considérable sur l’agent intimidateur et sa victime. En effet, en assistant et en encourageant l’initiateur ou l’initiatrice de gestes d’intimidation, les spectateurs et spectatrices permettent l’accès à la position de pouvoir recherchée, alors qu’en défendant la victime, ils rendent la stratégie de l’intimidation inefficace pour atteindre un statut supérieur au sein du groupe. Se basant sur ces concepts, le programme KiVa prédisait qu’un changement positif dans l’attitude des spectateurs et spectatrices réduirait l’atteinte des objectifs visés par les agent.e.s d’intimidation et donc diminuerait de facto la motivation même à poser des gestes d’intimidation.

Le programme KiVa demande la participation de tous les acteurs et actrices concerné.e.s, c’est-à-dire le personnel de l’école, les élèves et les parents. Lorsqu’une école implante le programme, une présentation générale est donnée au personnel de l’école et aux parents. Ensuite, les enseignant.e.s reçoivent une formation de deux jours et disposent par la suite d’un manuel pour préparer les ateliers avec les étudiant.e.s. L’école entre également dans le réseau KiVa, ce qui lui permet de rencontrer sur une base régulière d’autres écoles KiVa et des responsables du programme pour échanger de l’information. Les parents, quant à eux, sont munis d’un guide d’information sur l’intimidation comprenant également des conseils quant à ce qu’ils peuvent faire pour prévenir ou diminuer le phénomène. Concernant les étudiant.e.s, le programme s’applique en fonction de l’âge de la clientèle. Par exemple, Pour les plus jeunes, le programme prévoit 20 leçons de courte durée, chaque leçon couvrant un thème. L’objectif est d’expliquer le phénomène et ses conséquences et d’impliquer les jeunes dans l’élaboration des actions à poser lorsqu’on est témoin d’un geste d’intimidation. Le programme vise surtout à faire comprendre aux jeunes l’importance de leur rôle à l’intérieur du phénomène et de leur faire prendre parti pour la victime.

Le programme est à l’image de la Finlande et de son système d’éducation. Comme pour tous changements relatifs à l’éducation, le processus inclut tous les partis impliqués. La communication entre le personnel scolaire et les parents est une grande priorité, ce qui favorise grandement la cohésion dans le cadre d’un effort collectif. La Finlande est reconnue pour ses interventions préventives, et KiVa n’y fait pas exception. Finalement, l’approche pédagogique mise de l’avant par le programme est parfaitement représentative de ce qui est pratiqué dans les écoles finlandaises.

Des résultats convaincants

En constante évaluation depuis son implantation, le programme a démontré son efficacité très rapidement. Les données prises en compte comprennent des données empiriques sur le nombre d’actes d’intimidation et de victimes d’intimidation, de l’information sur la perception des jeunes face à l’intimidation et de l’information sur l’état émotionnel (stress, dépression, etc.) des élèves. Des donnés similaires ont également été collectées dans les écoles d’un groupe contrôle pour permettre des évaluations plus complètes.

Les résultats y sont étonnants! Après seulement une année d’implantation, les évaluations démontrent une diminution générale des actes d’intimidation et du nombre de victimes de 20%. Le support des pairs face aux comportements intimidateurs a également diminué, alors que le support et la défense des victimes par les pairs a augmenté. Une étude démontre même un lien entre la diminution du nombre de victimes et une diminution de la présence de dépression et d’anxiété perçue par les jeunes. Finalement, les résultats démontrent une augmentation du niveau d’appréciation de l’école et de la motivation académique des jeunes ainsi qu’une amélioration quant à la perception de leur performance scolaire. Le site internet du programme (www.kivaprogram.net) liste les multiples évaluations et articles scientifiques publiés dans différents périodiques.

Un modèle exportable?

Aujourd’hui, le programme est implanté dans 90% des écoles à travers le pays. Son succès, dû en partie au fait qu’il repose sur des bases théoriques solides, un modèle d’implantation raffiné et un processus d’évaluation scientifique (et non administratif) en a fait un programme convoité. L’intimidation n’a pas de frontière, et ce programme est une réussite remarquable. Le Delaware, aux États-Unis, en a fait l’acquisition, de même que la région de Wales, en Angleterre, l’Estonie, la Belgique et la Hollande.

Le Québec est présentement dans un processus d’élaboration d’un plan d’action de lutte contre l’intimidation. Dans un contexte de compressions budgétaires, particulièrement au sein du Ministère de l’Éducation, il sera intéressant de voir quelles seront les ressources mises à la disposition de ce plan d’action. En effet, l’attribution de ressources limitées et l’utilisation d’un temps de conception restreint dans le but de procéder à une implantation rapide n’entraineront certainement pas la réussite à long terme du programme voulant une diminution structurelle du phénomène d’intimidation. Un problème aussi complexe que l’intimidation mérite une réflexion profonde et un plan d’action basé sur une analyse complète de la problématique. Peut-être que le gouvernement sauverait temps et argent à s’inspirer du programme finlandais, qui a su démontrer son efficacité par sa capacité à comprendre l’essence du problème, et par la même occasion, a trouvé la piste de solution à emprunter.

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