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Est-ce que Airbnb influence l’économie québécoise ?

15 février 2019

  • Bertrand Schepper

Alors que la plupart des métropoles du monde ont maille à partir avec Airbnb, la ville de Paris a décidé de réclamer près de 19 M$ à la plateforme américaine de location d’appartements.  Selon l’administration parisienne, l’application Airbnb pourrait recevoir d’importantes pénalités supplémentaires. Il faut comprendre qu’à Paris, plusieurs « hôtes » d’Airbnb louent leur appartement plus de 120 nuitées annuellement, ce qui prive les citoyens d’habitations et fait grimper les prix de l’immobilier. Devant ces accusations, la compagnie américaine rétorque, comme elle le fait souvent, que ses activités génèrent des retombées économiques appréciables.

Qu’en est-il de Montréal ? Déjà, les arrondissements du Plateau Mont-Royal et de Ville-Marie limitent les résidences pouvant utiliser Airbnb à certains secteurs. Les autres « hôtes » doivent demander une attestation à la Corporation de l’industrie touristique du Québec et un certificat d’occupation de l’arrondissement. Cette politique semble inspirer des élu.e.s de Côte-des-Neiges qui veulent aussi demander une plus grande surveillance d’Airbnb. Il faut dire que la multinationale n’a pas bonne presse par les temps qui courent, car en plus d’être accusée d’évasion fiscale, elle est devenue une plateforme utilisée pour blanchir de l’argent. De plus, elle commence à perdre de la popularité auprès des résidents de quartiers résidentiels qui subissent l’effet du tourisme (tapage nocturne lié à des partys, relations complexes entre les propriétaires et les « hôtes », etc.). Bref, en plus des impacts négatifs ressentis dans le secteur hôtelier, qui dit perdre des parts de marché, il y a aussi plusieurs côtés négatifs à l’application qui expliquent ce mécontentement du point de vue d’une administration municipale.

Qu’en est-il des retombées économiques ?

Récemment, Airbnb a dévoilé une étude de 14 pages préparée par GLS réseaux montrant qu’Airbnb contribuait à des retombées économiques de 190 millions de dollars à l’économie québécoise.

L’étude indique que, d’après un sondage effectué auprès de 222 voyageurs et voyageuses et 180 « hôtes » (p. 2), les voyageurs ayant utilisé Airbnb auraient dépensé 653 M$ à Montréal. Cela aurait contribué à une hausse du PIB nette de 189M$ et au soutien de 3 370 emplois (p.10).

Si ces résultats sont appréciables, il faut être prudent dans le calcul des retombées économiques, et ce, plus particulièrement en ce qui a trait à l’industrie touristique et aux effets des dépenses des nouveaux voyageurs. En effet, comme le note l’étude (p. 7) :

« la mesure de l’impact économique ne doit pas tenir compte des dépenses des visiteurs qui auraient quand même été effectuées dans le territoire, n’eût été la présence d’Airbnb. L’enquête d’Airbnb auprès des voyageurs révèle que 3,8% des voyageurs ne seraient pas venus à Montréal, n’eût été la présence d’Airbnb ».

Cela signifie que si on voulait effectivement vérifier si Airbnb a fait augmenter l’impact du tourisme sur l’économie québécoise, il faudrait utiliser la part des touristes qui sont effectivement venus à Montréal grâce à Airbnb, soit dans le cas qui nous occupe :  3,8 % des touristes.

Pour les 96,2 % d’autres voyageurs ayant utilisé Airbnb, on comprend qu’ils seraient venus dans tous les cas et auraient dépensé leur argent autrement à Montréal, à l’hôtel par exemple. Au final, les retombées économiques seraient similaires pour les habitants de la ville. Or, contrairement à ce qu’elle présente, l’étude attribue à Airbnb 50 % des retombées liées aux dépenses des visiteurs, ce qui est beaucoup trop élevé. En utilisant les données compilées par GLS réseaux et sans entrer dans les détails, il semble plus juste de considérer que ces retombées seraient plus de l’ordre de 59M$ et participerait à créer 807 emplois. Ces chiffres incluent les investissements effectués par la compagnie Luxury Retreats, une filière d’Airbnb.

Bien que cela soit notable, c’est relativement marginal par rapport à ce que génère l’industrie touristique québécoise, qui représente 9,8 G$ et plus de 376 000 emplois

En ce sens, l’argument des retombées économiques pour favoriser le laisser-aller dans le cas de Airbnb ne devrait pas être au centre des discussions; ce sont plutôt les questions d’accessibilité au logement et de bien-être des citoyens et des citoyennes qui devraient prédominer.

C’est, semble-t-il, ce que fait Paris en décidant d’assurer des règles strictes avec pénalité à la multinationale américaine.

Crédit photo : AFP PHOTO / JOEL SAGET

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