Icône

Aidez-nous à poursuivre notre travail de recherche indépendant

Devenez membre

Logement : et s’il n’y avait pas de crise?

2 juin 2023

Lecture

4min

  • Julia Posca

Dans un peu moins d’un mois, des ménages se retrouveront encore à la rue au Québec faute de trouver un logement qui correspond à leurs besoins et surtout, qui soit à la hauteur de leurs moyens. Ici comme ailleurs au Canada, pratiquement tout le monde s’entend maintenant pour dire que sévit une importante crise du logement, une situation qui n’est pas près de s’améliorer selon certains observateurs. Comment expliquer que malgré la volonté affichée d’une bonne partie de la classe politique de remédier à ce problème, qui mine la qualité de vie de milliers de personnes à travers le pays, on n’ait toujours pas été en mesure de le faire?

En 2007, Miloon Kothari, alors rapporteur spécial des Nations unies pour le logement convenable, avait conclu après une visite de trois semaines l’ayant mené dans plusieurs villes canadiennes que le pays était aux prises avec une crise du logement social, visible notamment à travers le nombre élevé de personnes sans abri. M. Kothari s’était montré très sévère à l’endroit du premier ministre de l’époque Stephen Harper, à qui il reprochait de ne pas avoir identifié des moyens concrets de venir à bout de cette crise.

Puis en 2016, dans son examen des mesures prises par le Canada pour « pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels », le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU avait à son tour blâmé le Canada pour le piètre accès au logement dans le pays, qui était désormais dirigé par Justin Trudeau.

C’est notamment en réaction aux constats accablants du Comité de l’ONU qu’Ottawa a présenté en 2017 sa Stratégie nationale sur le logement, « un plan ambitieux de 40 milliards de dollars visant à assurer que tous les Canadiens disposent d’un logement abordable qui répond à leurs besoins. » La stratégie visait, entre autres, la réparation et la construction de centaines de milliers de logements sur dix ans, en plus d’introduire l’Allocation canadienne d’aide au logement comme moyen de soutenir financièrement les ménages locataires.

Six ans après le dévoilement de ce plan, force est de constater que la situation s’est peu améliorée au Canada. Le Conseil national du logement remettait en avril dernier un rapport à l’intention du ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion au sujet de cette stratégie qui conclut que plusieurs des objectifs que s’était fixés le gouvernement n’ont pas été atteints. Les auteurs notent que la perte de logements dits abordables a dépassé le rythme de construction de nouvelles unités. Ils ajoutent que, pour les personnes pauvres ou en situation d’itinérance, même les habitations soi-disant abordables ne le sont pas réellement, leurs revenus étant insuffisants pour se loger adéquatement. Les auteurs mentionnent aussi que les conditions d’habitation des personnes autochtones ne se sont pas améliorées, faute d’une approche adaptée à cette frange de la population. Ils estiment ainsi que « [dans] sa forme actuelle, la Stratégie nationale sur le logement n’est pas compatible avec l’engagement fédéral envers la réalisation progressive du droit au logement. » (p. 3)

Alors que rien ne semble en mesure de freiner la détérioration de l’accès au logement, et puisqu’une crise est censée être un phénomène brusque et passager, peut-on vraiment encore utiliser ce terme pour décrire la situation actuelle? 

Auteur d’un récent essai sur le sujet, le chercheur Ricardo Tranjan estime que cette terminologie nous induit en erreur. En nous interdisant de voir que la situation actuelle « est bénéfique pour certains, soit ceux qui s’enrichissent en soutirant le plus d’argent possible des locataires, au détriment de ces derniers » (traduction libre), elle nous empêche de trouver les solutions pour venir à bout de la « crise ». Autrement dit, il faut reconnaître que dans les sociétés capitalistes, le droit de se loger est jugé secondaire par rapport à l’opportunité de faire du profit. Et tant que cette situation sera considérée comme normale, on sera condamné à adopter des mesures incapables d’améliorer les conditions de vie des ménages locataires.

Icône

Vous aimez les analyses de l’IRIS?

Devenez membre

Icône

Restez au fait
des analyses de l’IRIS

Inscrivez-vous à notre infolettre

Abonnez-vous

6 comments

  1. Quelques réflexions au sujet de la Crise du logement:

    On appelle ça le marché immobilier et le marché locatif et on s’étonne que ça se comporte comme un marché (offre VS demande).

    Est ce qu’un droit aussi fondamental que de se loger devrait subir les aléas du marché ?

    Pourquoi les constructeurs bâtissent-ils autant de condos et si peu de logements locatifs ? Pourquoi ? (un indice: $$)

    Et pourquoi y a-t-il si peu de coopératives d’habitations ?

    Qu’est ce qui empêche les gens de s’organiser et de créer des coopératives d’habitation ??

    Quand on veut décider de son augmentation de loyer, on lâche d’attendre, de se plaindre, de se battre et on décide d’être membre d’une coopérative d’habitation……. ou d’en créer une.

    Le choix est clair: continuer de subir, de se battre et d’attendre ou s’organiser ensembles pour décider (une fois pour tout).

    Encore une fois: Qu’est ce qui empêche les gens de s’organiser et de créer des coopératives d’habitation ??

    25% logements sociaux ou abordables, 50% coopératives d’habitations,
    25 % logement locatifs du secteur privé.

  2. Crise du logement Exemple pratique à suivre : Dans la capitale d’Autriche, Vienne, c’est l’état qui détienne 90% d logement à louer.

    Au Québec il faut construire par le gouvernement deux ou trois villes neuves d’appartements à louer de 100 000 habitants au 50 Km Nord de Montréal, Québec, etc. liées par une ligne ferroviaire rapide avec les métropoles.

  3. J’abonde dans ce sens! Lors d’une crise, les autorités savent comment la gérer… Pensons juste à la pandémie…Ici, on sent que tous les acquis sociaux deviennent “obsolètes”… au nom du profit mais , déguisé en “restructurations” de toutes sortes pour mieux leurrer les citoyens.

  4. Bonjour
    Très intéressant et pertinent.
    Cependant j’ai un bémol, au sujet de la cause de ce problème que l’auteur identifie comme étant le capitalisme “Autrement dit, il faut reconnaître que dans les sociétés capitalistes, le droit de se loger est jugé secondaire par rapport à l’opportunité de faire du profit. ”
    Je crois qu’il y a certains pays capitalistes dont les droits des citoyens et des locataires sont mieux respectés (pays nordiques, Autriche etc). Il me sembles qu’il s’agit d’une question de droit / lois et de financement? Il me semble qu’agir sur l’aspect législatif serait plus efficace?
    Le débat sur le capitalisme est certes intéressant et pertinent, mais je crains qu’il risque d’être un débat à long terme, de générer des peurs et de mettre en opposition des citoyens partageant les même intérêts.

    Merci pour l’article
    Jupiter Nakhla
    Sherbrooke

  5. La Régie socialiste du logement est à l’origine du problème actuel. Quand l’État vient débalancer l’offre et la demande, quand les augmentations annuelles maximales des.loyers ne reflètent pas les coûts réels d’exploitation, tout le monde finit par perdre.

  6. Les gouvernement ne veulent ,pas bouger ils s’occupe de problèmes moins importants que la crise du logement.

Les commentaires sont désactivés