Logement : une crise à venir ?
9 avril 2019
La situation actuelle du marché locatif inquiète. Les logements disponibles se font rares et, à trois mois de la valse annuelle des déménagements, la ville de Montréal pense même à mettre en œuvre des mesures spéciales advenant qu’une crise éclate. Personne ne semble vouloir revivre les affres du début des années 2000 où, rappelons-nous, des familles entières se retrouvaient à la rue le 1er juillet faute de trouver un logement convenable et abordable.
Il y a deux ans déjà, l’état du marché locatif avait de quoi inquiéter. Malgré un taux d’inoccupation bien au-dessus du seuil d’équilibre conventionnellement placé à 3 % (lorsque le taux d’inoccupation est en dessous de ce seuil, nous considérons qu’il y a pénurie), le coût moyen des loyers a poursuivi sa course à la hausse. En 2016 et 2017, ce taux pour l’ensemble du Québec était respectivement de 4,4 et 3,4 %, ce qui n’a pas empêché les loyers de passer de 714 $ à 751 $.
Bien entendu, l’absence d’investissements conséquents en logements sociaux, le retard historique accumulé en matière de mise en chantier d’unités d’habitation locative, la surabondance de condos et le fléau que représente Airbnb dans certains quartiers centraux n’étaient pas étrangers à ce résultat déroutant : des loyers qui poursuivent leur tendance haussière malgré une grande disponibilité de logements. Plus important, le marché locatif, en raison de failles dans la réglementation et de l’absence d’interventions publiques conséquentes, évolue résolument à l’encontre des intérêts des locataires depuis plusieurs années. Cette tendance a sans contredit pavé la voie à la situation actuelle.
À quoi nous attendre?
Alors, que nous disent les données les plus récentes? En octobre 2018, le taux d’inoccupation global du Québec se situait à 2,3 % et le loyer moyen à 760 $. Nous sommes donc, pour la première fois depuis 2012, clairement en zone de pénurie. Le taux d’inoccupation était déjà passé sous le seuil de 3 % en 2014, mais par un maigre 0,1 point de pourcentage. Nous pouvons alors raisonnablement écarter cette année pour considérer toute la période 2013-2017 comme étant à l’équilibre (ou un peu au-dessus).
Depuis 2016 cependant, et comme l’indique la courbe bleue du graphique ci-bas, la tendance est clairement à la baisse, le taux d’inoccupation ayant subi une chute de près de la moitié de sa « valeur » en seulement deux ans.
Taux d’inoccupation (en %) et loyer moyen (en $ constant de 2018)
Un fait saute aux yeux à la lecture de ce graphique : depuis 2000, le coût des loyers est à la hausse, conséquence de la crise prolongée et des dynamiques spéculatives énumérées plus haut. En revanche, les données de 2018 posent un certain défi d’interprétation. Oui, le taux d’inoccupation se resserre, mais les loyers eux suivent une courbe inverse. Comment interpréter ce résultat?
En s’attardant à notre passé récent, on constate qu’il ne s’agit pas là d’une situation exceptionnelle. En 2000, le taux d’inoccupation affichait une situation de pénurie, mais il a fallu attendre 2002 pour voir un effet tangible sur les loyers. Advenant le maintien sur deux ans ou plus du présent contexte de pénurie, il ne serait donc pas surprenant de constater en 2019 ou en 2020 un retour de fortes augmentations des loyers.
Mentionnons aussi que ce portrait général masque certaines réalités. Des régions métropolitaines de recensement comme Ottawa-Gatineau et Montréal connaissent des pénuries encore plus marquées, avec un taux d’inoccupation de 1,2 % pour la première et de 1,9 % pour la seconde. Pour les logements de 3 chambres et plus, le taux d’inoccupation est aussi très bas, à seulement 1,4 % pour tout le Québec (il est à 1,0 % pour Ottawa-Gatineau et à 0,8 % pour Montréal).
Bref, si la situation actuelle perdure, deux prédictions peuvent être faites : d’une part, le coût des loyers repartira vers le haut, d’autre part, non seulement les logements pouvant accueillir des familles se raréfieront, mais y avoir accès à un coût raisonnable sera aussi simple que de récolter des larmes de licorne.