L’immigration au Québec : une question d’intégration ou d’accueil?
20 septembre 2022
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L’immigration fait partie des thèmes à aborder en campagne électorale. Accueillons-nous suffisamment de personnes immigrantes au Québec ? Est-ce que le Québec leur offre les outils nécessaires afin de faciliter leur intégration ? Ces questions méritent d’être débattues.
Or, dans les dernières semaines, les personnes immigrantes ont été associées, sans fondement, au déclin de la langue française ou à l’augmentation de la violence au Québec. Cette rhétorique, qui participe à connoter négativement l’immigration et à détourner le débat, est malheureusement à l’image de l’approche mise de l’avant par la CAQ depuis quatre ans.
La question de l’immigration durant le premier mandat de la CAQ
Lors de la dernière campagne électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait adopté le slogan « En prendre moins, mais en prendre soin » pour parler d’immigration et promettait de réduire l’immigration de 20 %. Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, la CAQ a respecté la moitié de sa promesse, soit « en prendre moins », en réduisant considérablement le nombre de personnes immigrantes que le Québec accueille chaque année. Pour ce faire, le gouvernement québécois a instauré des mécanismes pour réduire l’accès à l’immigration permanente tout en favorisant l’immigration temporaire, en plein essor depuis.
Il n’a pas fallu attendre longtemps après l’élection du parti de François Legault pour qu’une réforme en profondeur de la Loi sur l’immigration soit déposée à l’Assemblée nationale par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette. Le projet de loi 9, déposé en juin 2019, était présenté par le ministre comme un moyen d’accroître la prospérité socioéconomique du Québec en répondant adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes. Ce projet de loi confirmait la baisse des seuils annuels de l’immigration ainsi qu’une réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) menant à l’élimination de 18 000 dossiers d’immigration en attente d’une décision, une refonte qui s’est avérée un fiasco.
Au mois d’août 2021, dans une volonté de relance économique post-COVID, Québec et Canada se sont entendus pour hausser de 10 % à 20 % par lieu de travail le nombre de travailleurs et travailleuses temporaires occupant des postes à bas salaire dans le cadre du Programme de mobilité internationale Plus (PMI+). Ce programme permet à un employeur d’embaucher un travailleur ou une travailleuse temporaire sans obtenir une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT). Combinée au PMI+, la réforme de la Loi sur l’immigration a ainsi donné lieu à un resserrement des critères de sélection pour l’immigration permanente et à une augmentation du nombre de travailleurs et travailleuses temporaires. Ces mesures ont été justifiées, entre autres, par le besoin de main-d’œuvre et la volonté de préserver la langue française et les valeurs québécoises.
Pourtant, les personnes immigrantes s’intègrent bien au Québec. La majorité maîtrise déjà le français à leur arrivée en plus d’être scolarisée et de participer massivement au marché du travail. De plus, les pays ou provinces qui accueillent plus de personnes immigrantes sont aussi les lieux où l’intégration économique est la plus réussie selon un rapport publié en 2018 par l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE).
Les propositions des partis en campagne
Depuis le début de la campagne, il a surtout été question de seuils d’immigration. Le Parti québécois suggère de les diminuer à 35 000 tandis que la CAQ et le PCQ veulent les maintenir à 50 000. Le Parti libéral du Québec (PLQ) propose quant à lui une hausse du seuil de l’immigration pour combler le manque de main-d’œuvre. Québec solidaire (QS) mise aussi sur une augmentation accompagnée d’un modèle pour régionaliser l’immigration.
En somme, sur la question de l’immigration, les cinq partis mettent de l’avant des chiffres qu’ils défendent avec des hypothèses en lien avec la pénurie de main-d’œuvre, la préservation de la langue française et la protection des valeurs québécoises. Peu importe les raisons évoquées, jouer sur les seuils d’immigration ne permettra pas de résoudre les problèmes auxquels font néanmoins face les personnes immigrantes sur le marché du travail.
Le prochain gouvernement devrait plutôt reconnaître qu’il existe des structures sociales qui reproduisent des inégalités fondées sur un processus de racialisation et s’engager à résoudre l’enjeu de la non-reconnaissance des diplômes et de l’expérience ainsi que celui, bien documenté, de la discrimination à l’embauche. C’est en s’attaquant à ces problèmes systémiques et non en réformant les critères d’admissibilité ou en diminuant les seuils d’immigration que le Québec réussira une meilleure intégration des personnes immigrantes tout en répondant aux besoins du marché du travail. Surtout, ce n’est pas en teintant le débat de propos infondés que nous pourrons aspirer à un meilleur accueil des personnes immigrantes.