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Budget du Québec 2024: un prélude à l’austérité

13 mars 2024

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5min


Le ministre des Finances du Québec Eric Girard a déposé hier son sixième budget. Alors que des commentateurs s’inquiétaient du report du retour à l’équilibre budgétaire, le gouvernement n’a pour l’instant pas cédé à la panique. Le budget prévoit une croissance des dépenses qui permettra de compenser en partie des années de sous-financement des services publics. Certains éléments du budget, comme l’annonce de la révision des dépenses fiscales et gouvernementales que réclamait le Parti conservateur du Québec, font cependant craindre un retour de l’austérité dans les années à venir.

À première vue, le déficit budgétaire pour cette année sera de 11 milliards de dollars. Or, comme les ministres libéraux le faisaient avant lui, le ministre Girard assombrit artificiellement le portrait des finances publiques. 20% du déficit actuel s’explique par le versement au Fonds des générations, qui sera de 2,2 G$ cette année. Au lieu d’être considérés comme une dépense, les versements au Fonds des générations devraient être vus comme un actif financier. Dans les faits, le bilan des finances publiques n’est pas dramatique au vu de la situation économique récente, marquée par un ralentissement économique et par la hausse des taux d’intérêt.

Rappelons d’ailleurs qu’au cours des dernières années, le gouvernement Legault a fait le choix douteux de se priver de revenus importants. Au moins 30% du déficit aurait pu être évité si le gouvernement n’avait pas décidé de procéder à des allègements fiscaux qui profitent d’abord et avant tout aux ménages les plus aisés. En 2024-2025, le gouvernement se privera de 2,7 G$ en raison de la réduction des taux d’imposition, de l’uniformisation de la taxe scolaire et du congé fiscal pour les grands investissements. En somme, ce sont ses propres choix fiscaux qui ont creusé le déficit budgétaire et qui ont privé la société québécoise d’investissements publics nécessaires.

En effet, alors que le gouvernement se vante d’investir de nouvelles sommes en éducation et en santé, ces montants supplémentaires ne feront qu’assurer le minimum requis pour maintenir les services. Par exemple, nous avons calculé que les dépenses dans le système d’éducation doivent augmenter d’au moins 7 % pour suivre la croissance des coûts et le budget 2024-2025 prévoit seulement une hausse de 7,6% pour le ministère de l’Éducation. Les investissements prévus sont donc loin d’être suffisants pour entamer le vaste chantier d’amélioration du soutien aux élèves que les parents du Québec sont en droit d’attendre.

Du côté de la santé et des services sociaux, la croissance des dépenses est de 5,3%. Une partie de cette augmentation permettra aux employés du réseau de la santé et des services sociaux d’obtenir un rattrapage salarial salutaire, mais une autre portion sera « investie » dans le virage numérique, incluant l’utilisation accrue de l’intelligence artificielle en santé. Une étude de l’IRIS publiée à l’automne montrait pourtant les dangers de conflits d’intérêts et de dérives associés à ce secteur qui manque de transparence. En fin de compte, très peu de fonds en santé et services sociaux permettront vraiment de renforcer la prévention et d’améliorer l’accès aux services.

En matière de logement, comme l’année dernière, le gouvernement Legault montre son parti pris en faveur des propriétaires. Presque rien n’est prévu pour soutenir les locataires ou pour favoriser le développement du parc de logements sociaux. Le gouvernement continue d’asphyxier le secteur du logement social à un moment où les ménages à faible revenu sont aux prises avec des hausses importantes de loyer qui en poussent plusieurs à la rue. Ce déficit d’investissements dans les logements hors marché est conséquent avec l’approche du gouvernement Legault depuis son arrivée au pouvoir. En effet, le nombre de logements sociaux, communautaires et abordables a augmenté beaucoup moins rapidement depuis que la CAQ est en poste, passant d’une hausse annuelle moyenne de 2130 entre 2006 et 2018, à 1394 entre 2018 et 2022 selon les données de la Société d’habitation du Québec.

C’est toutefois en ce qui concerne l’environnement et les changements climatiques que le gouvernement montre le mieux à quel point il n’est pas à la hauteur des défis que le Québec affrontera dans les décennies à venir. Tandis qu’il bonifie de 10% les investissements dans le réseau routier prévus dans le Plan québécois des infrastructures pour la période 2024-2034, ceux en transport collectif ne sont augmentés que de 0,29%. Ce faisant, le gouvernement approfondit le déséquilibre des investissements en transport, la part attribuée au transport collectif représentant 28 % contre 72% pour le réseau routier. Un maigre 21 millions de dollars (soit 0,013% des dépenses budgétaires) est par ailleurs attribué à l’adaptation aux changements climatiques, qui devrait pourtant être une priorité.

Il semble que le gouvernement Legault considère uniquement la crise environnementale comme une opportunité d’affaires. Tous ses efforts sont orientés vers la création d’une industrie québécoise de l’automobile électrique, alors que le Québec aurait besoin de toute urgence d’un véritable plan de transition écologique qui miserait sur le développement du transport en commun, sur la décarbonation de l’ensemble de l’économie et sur la reconversion des industries polluantes.

Cet article est d’abord paru dans l’édition du 13 mars 2024 du journal Le Devoir.

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