L’État néolibéral : “partenaire” ou “grand stratège”?
13 septembre 2013
Une série de billets parus sur le blogue de l’IRIS depuis l’an dernier tente de démontrer en quoi le néolibéralisme loin de se traduire par un retrait pur et simple de l’État a plutôt donné lieu à une redéfinition de son rôle. Le cas de l’action publique en matière de formation de la main-d’œuvre dans les vingt dernières années au Québec illustre bien ces propos.
Ainsi, pourrait-on croire que la mise en place au milieu des années 1990 de nouveaux partenariats au sein du marché du travail, avec la création entre autres de la Commission des partenaires du marché du travail, a donné le ton à un retrait de l’État sur les questions de la formation et de l’emploi au bénéfice d’une plus grande concertation entre l’État et les acteurs socioéconomiques. Pour notre part, nous dirions que cette évolution représente plutôt une redéfinition du rôle de l’État.
Loin de se retirer, l’État est en effet devenu de plus en plus présent dans le domaine au fil des ans. Mais de manière plus indirecte, à la façon d’un stratège, avec la mise en place de nouvelles institutions (comités sectoriels, conseils régionaux, etc.) et l’établissement de plus de règles, de lois (ex. Loi sur les compétences) et de normes en la matière. Qui plus est, par le biais de cette concertation avec les acteurs du marché du travail, l’État a réussi à raffermir ses pouvoirs et à se donner une plus grande légitimité en réussissant entre autres à faire taire les dissensions sur ces questions.
Si la mise en place de mécanismes de concertation a été saluée, au départ, comme un processus nécessaire pour régler des problèmes de l’emploi et de la formation, on a vite fait d’en parler comme d’un nouveau modèle de gouvernance typiquement québécois. Pour notre part, nous pensons avec d’autres, François-Xavier Merrien et Jacques Chevalier notamment, que ce processus de déconcentration de l’action publique est plus globalement lié à une redéfinition de l’État à l’ère de la mondialisation et de la montée du néolibéralisme.
En effet, dans un monde de plus en plus complexe et faisant face à une crise de gouvernabilité, l’État cherchera une plus grande efficacité de son action en déconcentrant ses pouvoirs et en remplaçant la régulation hiérarchique traditionnelle par divers compromis avec les acteurs impliqués. En cela, le Québec a eu une façon bien à lui de développer son système de formation et d’emploi, plus proche du modèle français que du modèle anglo-saxon, et se différenciant par le fait même des autres provinces canadiennes qui lui ont parfois même envié son modèle de partenariat.
À savoir si et comment le modèle que s’est donné le Québec pourrait réussir à contrer les politiques néolibérales du gouvernement Harper sur ces questions (mesures d’activation et coupes de l’assurance-emploi, individualisation de la formation, etc.), ceci est une autre question à débattre…