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Les fausses nouvelles du gouvernement Legault sur l’immigration

28 août 2024

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4min

  • Anne Plourde

Alors que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, affirme depuis plusieurs mois que les retards dans l’implantation des classes de maternelle 4 ans sont causés par l’arrivée d’immigrant·e·s temporaires, on apprend cette semaine qu’il n’en est rien. Contrairement à ce que le ministre affirmait encore il y a moins de deux semaines, aucun des centres de services scolaires interrogés à ce sujet n’a fermé de telles classes pour ouvrir des classes de francisation. Cette fausse nouvelle n’est que la dernière en date d’une longue série d’affirmations douteuses du gouvernement Legault sur l’immigration.

Ainsi, en juin, le premier ministre François Legault affirmait que « 100% du problème de logement vient de l’augmentation du nombre d’immigrants temporaires ». Appliquant une méthode de calcul pour le moins simpliste, il affirmait également que le tiers de la pénurie de personnel en santé et la moitié du manque d’enseignant·e·s qualifié·e·s au Québec découlent « de la présence des immigrants temporaires. » Un mois plus tôt, il réagissait à une étude de l’IRIS sur la pénurie de main-d’œuvre en santé en insistant sur la pression qu’exercerait la hausse des immigrant·e·s temporaires sur le réseau pour expliquer les problèmes du système de santé. Précisons que tous ces problèmes (crise du logement et pénuries de main-d’œuvre en santé et en éducation) existaient bien avant la hausse récente de l’immigration temporaire, qui ne s’est accélérée que depuis 2022.

En pleine campagne électorale en 2022, Jean Boulet, qui était alors ministre sortant de l’Immigration, s’était aussi distingué par la citation à l’emporte-pièce de chiffres hautement contestables, affirmant que « 80 % des immigrants s’en vont à Montréal, ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise. » Trois semaines plus tôt, le premier ministre avait quant à lui dû s’excuser après avoir suggéré que l’immigration pouvait menacer la paix sociale au Québec et l’avoir associée à la violence et à l’extrémisme.

À ces déclarations s’ajoutent celles, répétées, concernant la menace que ferait peser l’immigration sur la langue française et l’identité québécoise. La plus hyperbolique d’entre elles est certainement l’affirmation, faite en 2022 par François Legault à l’encontre des faits les plus élémentaires, que l’immigration représenterait une « menace existentielle » pour la nation québécoise, qui risquerait selon lui de subir le même sort que la Louisiane si le Québec n’obtient pas davantage de contrôle sur son immigration.

Devant cette multiplication de « vérités alternatives » proférées par différents membres du gouvernement Legault – à commencer par le premier ministre lui-même –, force est de constater que nous faisons face à une rhétorique du bouc émissaire qui permet commodément au gouvernement de se déresponsabiliser pour ses propres inactions, erreurs et incuries. 

En témoignent : son obstination à créer un programme de maternelle 4 ans, qui faisait pourtant l’unanimité contre lui au moment de sa mise en œuvre en 2019, notamment en raison des problèmes de pénuries de main-d’œuvre qui affectaient déjà le milieu de l’éducation à l’époque; son refus tout aussi obstiné de reconnaître jusqu’à récemment la crise du logement dénoncée depuis de nombreuses années et d’agir sur elle; son incapacité à régler les problèmes de longue date du système de santé et à remplir ses promesses d’amélioration de l’accès aux services.

À cela s’ajoutent les incohérences flagrantes du gouvernement en ce qui concerne l’immigration elle-même. En effet, si l’intégration des immigrant·e·s et l’apprentissage de la langue française sont si importants pour lui, pourquoi dans ce cas tout faire pour priver les enfants des demandeurs d’asile d’un accès aux services de garde subventionnés (et priver du même coup leurs parents d’un accès facilité au marché du travail)? Et pourquoi compromettre l’accès aux cours de francisation pour des milliers d’immigrant·e·s en gelant les budgets investis dans ces services?

Enfin, il est ironique que le gouvernement blâme la hausse de l’immigration temporaire pour la pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans les services publics. En effet, cette augmentation est en partie le résultat des pressions exercées à partir de 2021 par le gouvernement Legault lui-même auprès du gouvernement fédéral pour qu’il facilite l’immigration temporaire. Elle est aussi le fruit de ses propres efforts de recrutement à l’étranger, démarches qui visent justement à contrer… la pénurie de main-d’œuvre, notamment dans les services publics. Le gouvernement de la CAQ a d’ailleurs adopté une cible de réduction de l’immigration temporaire qui affectera un faible pourcentage des immigrant·e·s, reconnaissant de facto le rôle essentiel qu’ils et elles jouent dans le fonctionnement de ces services.

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1 comment

  1. Nous faisons ici face à la désinformation utilisée en tant qu’arme de manipulation massive de l’opinion publique. Si jamais des désordres sociaux importants surviennent, le gouvernement aura mal acquis la justification morale de taper dans le tas. Au vu de l’importance des autres problèmes qu’il n’a qu’ignorés depuis plusieurs années, c’est une occasion en or pour détourner l’attention de tout le monde par rapport à son incapacité générale à gérer la province et le pays “en faveur des citoyens”.
    Depuis 157 ans, nous vivons dans une parodie de pays, un dominion… Une propriété de la Couronne.
    Depuis 157 ans, il y a deux grands responsables de l’état délabré du Canada: les libéraux et les conservateurs.
    Alors que je ne peux dire à quiconque pour qui voter, l’histoire vient à mon secours en me permettant d’affirmer à tous de ne plus jamais voter pour ces deux entreprises privées qui n’ont jamais géré le pays en faveur de la protection et/ou l’amélioration du bien-être du peuple.