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L’économie canadienne a-t-elle vraiment perdu 5500 emplois?

5 octobre 2011

  • MJ
    Mario Jodoin

Voici la manchette qu’on pouvait lire vendredi le 9 septembre dans différents médias lors de la sortie du communiqué de Statistique Canada sur les résultats de l’Enquête sur la population active (EPA) pour le mois d’août.

On pouvait également lire dans le texte de Radio-Canada : «Les analystes s’attendaient pourtant à la création de plus de 21 500 postes.»

Il est assez étrange de constater que presque tout le monde sait qu’un sondage a une marge d’erreur de, par exemple, 3,1 points de pourcentage 19 fois sur 20, et qu’il soit si peu connu qu’il y a aussi une marge d’erreur dans les résultats des enquêtes de Statistique Canada. Les données mensuelles de l’EPA pour l’ensemble du Canada ont en fait une marge d’erreur à 95 % de 150 400 emplois! Cela semble beaucoup, mais représente en fait moins de 0,9 % du nombre d’emplois (17,3 millions).

Cela veut dire que la probabilité est de 95 % que le nombre d’emplois au Canada fut en août entre 150 400 emplois de plus qu’indiqué et 150 400 de moins, et qu’elle est de 5 % que l’écart ait été encore plus grand! Est-ce à dire que cela veut dire qu’il y a 95 % des chances que l’emploi ait en fait varié d’entre moins 155 900 et plus 144 900 (-5500 + ou – 150 400)? Non…

Les ménages sélectionnés pour l’EPA sont en effet interrogés six mois consécutifs. L’EPA ne remplace donc qu’un sixième de son échantillon à chaque mois. Comme, d’un mois à l’autre, cinq sixièmes de l’échantillon est formé des mêmes ménages que celui du mois précédent, il est très improbable que le statut sur le marché du travail des membres de ces ménages change beaucoup. La marge d’erreur du changement entre les résultats de deux mois consécutifs est donc moins élevée que celle du niveau d’emploi.

L’écart-type de la variation de l’emploi pour le Canada de juillet et d’août était de 28 600. L’écart-type est la marge d’erreur à 68 %. Pour obtenir la marge d’erreur pour une probabilité de 95 %, il faut multiplier l’écart-type par deux, ce qui donne une marge d’erreur de 57 200. On peut donc dire finalement que la probabilité est de 95 % que l’emploi ait en fait varié d’entre moins 62 700 et plus 51 700 (-5500 + ou – 57 200). Ainsi, la prévision des analystes mentionnée dans l’article que j’ai cité (+21 500 postes) est tout à fait à l’intérieur de la marge d’erreur à 95 % et même à l’intérieur de celle à 68 %!

En plus, il faut savoir que, pour comparer les données d’un mois à l’autre, Statistique Canada publie des données désaisonnalisées. Or, dans son communiqué, Statistique Canada a bien indiqué dans un encadré (bleu) éprouver des problèmes avec certaines données désaisonnalisées : «S’il y a eu d’importants mouvements de l’emploi dans les services d’enseignement durant les mois d’été ces dernières années, il n’y a pas eu de tendance claire pour ce qui est du sens ou de l’ampleur de ces variations.» Cela devrait inciter à encore plus de prudence dans l’analyse de ces données.

Les cohortes demeurant dans l’échantillon pendant six mois, il est toujours plus prudent d’attendre au moins cette période avant d’avancer des raisons précises pour expliquer un retournement non validé par d’autres sources. C’est la tendance qu’il faut analyser, pas les données d’un mois précis!

Par contre, je n’ose imaginer les manchettes d’un article de journal qui tiendrait compte de toutes ces nuances et mises en garde!

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