Icône

Aidez-nous à poursuivre notre travail de recherche indépendant

Devenez membre

Le gouvernement québécois sait comment freiner la pandémie, mais tarde à agir

20 octobre 2020

  • Raphaël Langevin

La deuxième vague de COVID-19 est bel et bien en cours au Québec et les conséquences négatives des restrictions sanitaires s’accumulent quotidiennement. Dans ce billet, je présente trois éléments clés qui permettraient de ralentir considérablement, voire complètement, la progression du virus en sol québécois. Le gouvernement caquiste est nécessairement au courant de ces éléments, mais il tarde à les appliquer. Je conclus en expliquant pourquoi le gouvernement agit de la sorte et comment une telle inaction risque de se retourner contre lui à plus long terme.

Le traçage des contacts

Dans une lettre publiée le 15 octobre dernier au quotidien La Presse, le docteur en santé publique Carl-Étienne Juneau montrait, chiffres et études à l’appui, pourquoi le traçage de contacts constitue une étape cruciale dans l’endiguement de l’épidémie de COVID-19. En se basant sur une revue systématique qu’il a lui-même supervisée, le chercheur indiquait que si 80 % des contacts d’une personne infectée sont rejoints et mis en quarantaine dans un délai de trois jours, cela freinerait complètement la propagation de la maladie.

Est-ce qu’une telle stratégie est applicable au Québec ? M. Juneau croit que oui, surtout si nous nous inspirons des pratiques adoptées dans d’autres pays. Sur cette question, la Corée du Sud demeure un cas d’école: les autorités sanitaires nationales ont réussi à contenir efficacement leur « deuxième vague » en août dernier sans avoir recours à un quelconque confinement.

Malheureusement, le Québec fait piètre figure en la matière. Bien que le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, ait annoncé à la mi-août un montant de 106 M$ dédié à de nouvelles embauches pour effectuer plus rapidement les enquêtes épidémiologiques, plusieurs employé·e·s des directions régionales de santé publique déplorent que ces embauches n’aient pas encore eu lieu. Face au manque de personnel, la Direction régionale de santé publique de Montréal a dû délester temporairement certaines activités de traçage, forçant ainsi plusieurs personnes infectées à rejoindre elles-mêmes leurs contacts récents afin de leur demander de s’isoler.

Aussi, on apprenait récemment que le gouvernement du Québec « boude » les ressources que le gouvernement fédéral lui offre pour améliorer le traçage des contacts. Alors que les besoins sont criants, le ministre Dubé n’a pas encore expliqué clairement pourquoi le Québec n’utilisait pas toutes les ressources auxquelles il a accès. Cette situation déplorable ne l’empêche toutefois pas de demander aux Québécois·es de faire « un petit effort supplémentaire » en évitant un contact additionnel par jour, ce qui transfère le fardeau de la (très) mauvaise gestion de la crise sur les épaules des individus.

La transparence

La Colombie-Britannique est une des provinces canadiennes où la réponse à la pandémie a été la plus efficace. Si le traçage des contacts explique en partie cette efficacité, les autorités sanitaires britanno-colombiennes font aussi preuve d’une très grande transparence, ce qui renforce la confiance du public envers les institutions publiques provinciales. À l’heure où le conspirationnisme a le vent dans les voiles au Québec, cette confiance est essentielle afin d’assurer une adhésion populaire suffisante aux mesures sanitaires. Pourtant, les avis de la Direction de la santé publique concernant le choix des mesures sanitaires à implanter restent encore strictement confidentiels et les motivations du gouvernement derrière certaines décisions « covidiennes » sont souvent nébuleuses, voire incompréhensibles.

Cibler et adapter les secteurs réellement à risque

Le Québec compte maintenant onze régions administratives ayant au moins un territoire en alerte maximale. Les restrictions sanitaires imposées à ces régions sont variées, mais un constat troublant émerge : presque toutes les activités commerciales y demeurent ouvertes, alors que tous les lieux « culturels » y sont fermés malgré leur faible contribution à la croissance récente du nombre de cas. En effet, la majorité des foyers d’éclosion actifs avant le resserrement des mesures sanitaires se situaient dans les milieux de travail et à l’école, deux secteurs qui sont moins visés par les fermetures et autres restrictions. Ainsi, mieux cibler et adapter les secteurs réellement à risque (notamment en améliorant leur ventilation) pourrait rehausser la confiance du public envers les autorités sanitaires tout en limitant les nouveaux foyers d’éclosion.

L’électoralisme en temps de crise

Les trois situations exposées ci-haut ont de quoi laisser perplexe. Sur quelles bases le gouvernement prend-il ses décisions ? Si la limitation des contacts entre individus peut ralentir la propagation du virus, cela peut difficilement l’enrayer. De nombreux pays semblables au Québec sont parvenus à freiner la propagation de l’épidémie en employant les stratégies présentées ci-haut et le gouvernement caquiste le sait très bien.

Par contre, une chose est claire : la première vague a fait bondir le niveau de satisfaction envers le parti de François Legault à des niveaux rarement égalés dans l’histoire du Québec. S’il y a une chose qui caractérise les décisions du gouvernement sur plusieurs enjeux, c’est son populisme (et son entêtement idéologique sur la place du secteur public dans l’économie). Tant que l’appui électoral envers la CAQ demeurera autour de 50 %, il sera donc peu probable d’assister à des changements profonds dans la gestion de la pandémie au Québec, malgré les multiples restrictions aux libertés individuelles et autres tragédies que cela engendrera. Autrement, un revirement soudain dans la stratégie gouvernementale au pire de la deuxième vague pourrait facilement être perçu comme un aveu d’échec, ce que les gouvernements tentent généralement d’éviter à tout prix en temps de crise.

Régler la situation d’ici les fêtes

Pendant que les gouvernements des autres provinces déploient des mesures ambitieuses afin de contenir les éclosions, il semble que la culpabilisation individuelle à outrance soit la stratégie de prédilection du gouvernement québécois. Or, il est encore temps pour le gouvernement de François Legault d’assumer ses propres responsabilités face à la deuxième vague. L’inaction et l’incohérence du gouvernement pourraient au contraire lui coûter très cher s’il ne parvient pas à « aplatir » suffisamment la courbe d’ici les fêtes. Un sondage récent montre d’ailleurs que le niveau de confiance envers le gouvernement caquiste s’est effrité au courant de l’été, même s’il demeure encore à des niveaux élevés. Il y a donc fort à parier que peu de gens se sentiront coupables d’aller visiter leurs proches à l’occasion des congés des fêtes. Et ces personnes auront tout à fait raison.

VOUS AIMEZ LES ANALYSES DE L’IRIS? SONGEZ À DEVENIR MEMBRE!

Icône

Restez au fait
des analyses de l’IRIS

Inscrivez-vous à notre infolettre

Abonnez-vous