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Le coût d’un moratoire

16 mai 2012


Les nouvelles sont confondantes ce matin. D’un côté, il semble que les discussions aient été cordiales entre la nouvelle ministre et les étudiant·e·s. De l’autre, il paraît que le gouvernement préparerait depuis quelques jours une loi spéciale pour forcer le retour en classe. Les choix semblent se rétrécir entre deux options : moratoire/trêve ou loi spéciale.

Comme une loi spéciale ne propose aucun changement du point de vue des finances publiques, penchons-nous ici sur le coût d’un moratoire pour le gouvernement. Je mesure ici les coûts par année, reste à voir combien de temps pourrait durer un moratoire, mais considérant que l’échéance électorale nous porte au maximum à décembre 2013, un an semble raisonnable.

Option 1 : la suspension du plan de financement

Le gouvernement pourrait choisir de mettre sur la glace l’entièreté de son plan de financement des universités adopté dans son budget de l’an dernier. Cette solution ne représente aucun coût pour le gouvernement, mais plutôt des économies. En effet, non seulement les étudiant·e·s ne verseraient pas un sous de plus aux universités, mais le gouvernement économiserait les sommes supplémentaires au paiement de la hausse des coûts de système promises aux universités soit, pour la première année, 5 M$.

Cette voie de sortie de crise ferait un perdant majeur : la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CRÉPUQ). Cette dernière a milité depuis des années, sur toutes les tribunes, pour obtenir ce refinancement. Est-ce que les universités s’en tireraient beaucoup plus mal? Elles n’auraient pas d’argent neuf, c’est certain, mais la première année n’était pas le plus grosse part du gâteau. Cependant, à la lecture des recherches de Gilles Gagné que nous diffusions hier, on peut se demander si des problèmes plus pressants de répartition du financement ne les handicapent pas bien davantage.

Le coût politique est évidemment beaucoup plus lourd. Le gouvernement a martelé sans cesse que son plan était nécessaire et une telle suspension serait immanquablement lu comme une défaite.

Option 2 : le gouvernement n’exige pas le paiement de la part étudiante pour un an

Cette option maintiendrait le paiement gouvernemental de refinancement des universités, mais suspendrait celui des étudiant·e·s. Le gouvernement pourrait donc affirmer que son plan est maintenu et qu’il entend aller de l’avant, mais que, pour un temps donné, les étudiant-es ne paient pas la hausse. La CRÉPUQ pourrait affirmer que le règlement de crise se fait à ses dépends, mais ce serait seulement temporaire.

Option 3 : le paiement par le gouvernement de la part étudiante du plan de financement

Une option moins coûteuse politiquement pour le gouvernement serait de maintenir le plan de financement prévu et, pour une durée de temps déterminée, de payer la part étudiante de ce plan. Son plan de financement prévoyait un apport étudiant de 41 M$ dans les universités pour 2011-2012.  Si le gouvernement maintient l’idée d’étaler la hausse sur sept ans plutôt que cinq, la première année devrait coûter autour de 30 M$ annuellement, en supposant qu’il n’investit pas les sommes prévues par ce plan de financement dans l’Aide financière aux études (AFE). Il peut toutefois maintenir la transformation du crédit d’impôt en bourses et l’augmentation des prêts annoncées ce printemps car ces mesures sont à coût nul pour lui.

Le gouvernement du Québec a prévu dans son budget un fond de 300 M$ pour « éventualités » pour cette année et a prévu un autre 300 M$ pour l’an prochain. D’aucuns diraient que la crise en cours au Québec est une « éventualité » suffisamment importante pour que le gouvernement y investisse de 10% à 14% de ce fond pour la dénouer. Ce choix ne coûterait rien aux contribuables, il laisserait le gouvernement et les universités avec un plan de financement intact et n’aurait aucun impact sur les frais de scolarité.

Avec cette troisième option, le gouvernement peut continuer à prétendre qu’il va de l’avant tout en montrant sa bonne volonté de prendre du recul résoudre la crise. Il peut sans problème affirmer que, dès le moratoire terminé, les étudiants prendront le relais et donc qu’il maintient sa hausse, tandis que les étudiant-es peuvent, pour leur part, affirmer qu’ils et elles reprendront les moyens de pressions le temps venu. L’IRIS n’a jamais cru que ce plan de financement des universités était une politique publique avisée, mais il est évident que son imposition par une loi spéciale serait encore moins sage. À l’inverse, une tentative de sortie de l’impasse sans que personne n’y perde la face pourrait peut-être résoudre cette crise.

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