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La vaccination au Canada : un enjeu d’autosuffisance

22 février 2021

  • Younes Rhazi

Alors que la campagne de vaccination massive contre la COVID-19 s’entame à grands pas un peu partout dans le monde, le retard du Canada sur ses homologues ne passe pas inaperçu.

Un bilan en deçà des attentes

181 millions de vaccins ont été administrés partout dans le monde en date du 20 février 2021. De son côté, le Canada se retrouve au 20e rang pour le nombre de doses administrées (1 384 691) et au 41e rang pour ce qui est des doses administrées par 100 personnes (3,69). Un bilan lourd à porter, sachant que la campagne de vaccination au Canada a débuté avant celle de plusieurs pays, soit le 8 décembre 2020.

Source: Bloomberg

La situation actuelle de la vaccination au Canada soulève plusieurs questions sur la gestion gouvernementale de la crise. Le Canada semble malheureusement s’être heurté à une vague de protectionnisme ambiant qui génère un manque de solidarité internationale, ainsi qu’à une infrastructure nationale incapable d’assurer la production locale de vaccins.

La dépendance médicale du Canada : un enjeu de sécurité nationale

Le bilan de vaccination canadien s’explique premièrement par son incapacité à recevoir les doses qu’il lui avait été promis, malgré le fait que le gouvernement ait : « […] signé des contrats avec sept sociétés différentes pour un total de 234 millions de doses ». En effet, Pfizer et Moderna, les seules compagnies pharmaceutiques dont les vaccins sont actuellement autorisés par Santé Canada, ont annoncé des retards dans la livraison de doses, en raison ont-elles affirmé de l’agrandissement de leurs usines de production.

Ces retards s’expliquent cependant aussi par les politiques protectionnistes de certains pays, plus particulièrement celles des États-Unis, dont l’ancien et le nouveau président prônent le principe du America First (les États-Unis en premier).  Cette politique interdit aux usines de Pfizer et Moderna d’exporter leurs vaccins au Canada avant que tous les Étasunien·ne·s ne soient vaccinés. L’Union européenne envisage elle aussi des politiques protectionnistes menaçant la campagne de vaccination canadienne.

Quoique Pfizer et Moderna assurent que les 6 millions de doses prévues pour la fin mars seront livrées, cette situation s’apparente à la pénurie de masques, médicaments et d’équipements médicaux vécue au Québec au début de la première vague. En ce sens, tout démontre que la dépendance du Canada et de ses provinces envers certaines entreprises a des répercussions majeures sur sa sécurité nationale et la santé publique.

Une industrie nationale médicale sous-équipée

Sans surprise, les vagues de privatisations de laboratoires scientifiques au Canada à partir de 1980 se ressentent jusqu’à aujourd’hui. En effet, malgré les appels à l’instauration « d’une stratégie nationale d’immunisation » formulés entre autres en réaction aux épidémies du SRAS et de H1N1 qui ont touché le pays dans les années 2000, les politiques des dernières années ont limité les capacités productives et industrielles de vaccins du gouvernement fédéral. Or, comme l’explique Joel Lexchin, expert en politique et gestion de la santé à l’Université de Toronto, ces politiques sont en partie responsables de la faible capacité de production de vaccins contre la COVID-19 au Canada.

Par conséquent, le gouvernement canadien a dû se tourner vers des fabricants étrangers, et ce même pour la production de vaccins au Canada. On recense notamment la tentative en mai dernier de produire le vaccin du fabricant chinois CanSino Biologics au Centre canadien de vaccinologie de l’Université Dalhousie, qui a échoué parce que les semences vaccinales, nécessaires aux essais cliniques et la production, n’ont jamais été envoyées par la Chine. Au même moment, des entreprises locales, comme PnuVax ou des centres de recherches comme celui que dirige le Dr Gary Kobinger à l’Université Laval, n’ont pas bénéficié de fonds fédéraux pour leurs essais cliniques ni pour une potentielle production de vaccins.

Le gouvernement canadien, victime d’une minimisation du risque que représentait une pandémie mondiale dans une économie globalisée, devient par conséquent « le seul pays du G7 à recevoir des doses par l’entremise de COVAX », un programme mis en place par l’OMS afin d’assurer la distribution équitable de vaccins entre tous les pays du globe. Le gouvernement Trudeau annonçait également qu’un pacte avait été conclu avec l’Institut Serum, un producteur indien, afin de recevoir des vaccins d’ici la mi-mars. 

En bref, cette dépendance du Canada envers des producteurs étrangers en matière d’approvisionnement en biens essentiels tels que les vaccins, juxtaposée à des politiques protectionnistes prévisibles, relance la question de l’autosuffisance médicale et les limites de la globalisation face à la production de biens médicaux.

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