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La taxe scolaire doit être abolie… et remplacée

29 juin 2020


Le 1er juillet 2020 entrera en vigueur une nouvelle diminution de la taxe scolaire. Au-delà de l’impact négatif sur le financement des écoles que celle-ci va entraîner, et des quelque 40 % de ménages québécois locataires qui ne profiteront d’aucune baisse, nous souhaitons montrer que, sous couvert de remettre de l’argent dans la poche des familles, le gouvernement perpétue une taxe injuste qui cible principalement la classe moyenne tout en protégeant le patrimoine des plus nantis.

La taxe scolaire est une taxe annuelle sur la propriété. Obligatoire pour conserver son bien immobilier et calculée à partir de la valeur de l’immeuble, elle est néanmoins régressive puisque son taux demeure le même, peu importe les revenus du propriétaire ou la valeur du bien imposé. Pire encore, plus la personne imposée est riche, plus la taxe diminue par rapport à son patrimoine, et ce, pour deux raisons.

D’abord, parce qu’elle ne s’applique pas au patrimoine net. Ainsi, une personne qui a contracté une dette pour acheter sa maison paie autant que la personne dont le bien n’est adossé à aucune hypothèque. Ensuite, et c’est le plus grave, parce que les biens immobiliers ne représentent qu’une portion du patrimoine des citoyens les plus riches, qui est constitué d’une majorité d’actifs financiers totalement exemptés de la taxe.

Mille fois plus

Pour illustrer l’injustice aberrante de cette taxe, imaginons le cas suivant : d’un côté, un jeune couple qui a acheté une maison évaluée à 300 000 $ en contractant une hypothèque de 270 000 $. De l’autre, une personne qui possède aussi une maison évaluée à 300 000 $, mais entièrement payée, et qui possède par ailleurs un portefeuille d’actions en Bourse de 30 millions de dollars. Ces deux ménages vont payer l’équivalent de 0,1 % de la valeur de leur maison en taxe scolaire, soit un peu moins de 300 $. Pourtant, le jeune couple ne possède que 30 000 $ de patrimoine, tandis que le millionnaire possède un patrimoine de 30,3 millions de dollars. Le jeune couple paie donc en réalité 1 % de taxe sur son avoir, soit 1000 fois plus que le millionnaire qui n’en paie que 0,001 %.

La réduction de cette taxe foncièrement inéquitable entraînera toutefois une perte de revenus pour les écoles que le gouvernement devra compenser. Comme le ministre des Finances, Eric Girard, évalue le déficit pour l’année 2020 entre 12 et 15 milliards de dollars et parle d’un retour à l’équilibre dans un horizon aussi court que trois ans, il y a lieu de se questionner sur la stratégie budgétaire de François Legault.

Il y a plusieurs manières de résorber un déficit, dont la croissance, l’inflation, l’augmentation des impôts et les compressions budgétaires.

La croissance de l’économie fait diminuer la taille de la dette par rapport au PIB, tandis que l’inflation (la hausse généralisée des prix) fait baisser le poids de notre endettement. Or nous savons d’ores et déjà que même si nous évitons une récession longue, la croissance sera anémique dans les années à venir et qu’aucune intervention de la Banque du Canada n’est prévue pour augmenter l’inflation. Quant aux hausses d’impôt, M. Girard a annoncé le 29 mai qu’il n’y en aurait pas car, a-t-il allégué, « ce n’est pas dans notre philosophie de gouvernement ».

Il ne reste donc plus que l’austérité budgétaire. Le ministre des Finances a beau promettre qu’il n’y aura pas de coupes, on ne peut être dupes : le gouvernement tient à l’équilibre budgétaire, et la diminution de la taxe scolaire ne fera que l’éloigner de cet objectif.

Plutôt que d’entretenir l’illusion qu’une baisse de la taxe scolaire enrichira les contribuables, le gouvernement doit l’abolir pour la remplacer par un impôt progressif sur le patrimoine. Une telle mesure, prônée par de nombreux experts, dont Thomas Piketty et Joseph E. Stiglitz, permettrait de moduler l’imposition des ménages en fonction d’un calcul plus juste de leur richesse. Ce faisant, non seulement Québec donnerait de l’oxygène aux familles détenant un plus petit patrimoine, mais en plus il se donnerait les moyens de financer adéquatement les services publics, fortement éprouvés en ces temps de crise sanitaire et économique, et de redistribuer équitablement la richesse entre les ménages.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 29 juin 2020 de La Presse +.

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