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La nouvelle ère d’une cote de crédit positive

8 juin 2016

  • Eve-Lyne Couturier

Peuple, réjouissez-vous! L’agence de notation Standard and Poor’s (S&P) a révisé la cote de crédit du Québec. Non, on n’a pas changé la cote elle-même, mais bien sa perspective. Ainsi, nous ne sommes plus A+ stable, mais plutôt A+ positive! Le gouvernement n’en peut plus d’être heureux de cette nouvelle. Et vous?

Il est fort à parier que vous ne savez pas trop quoi en penser. D’abord, à part le fait qu’on nous répète sans cesse qu’on devrait se préoccuper de leur opinion, peu de gens comprennent ce qu’est une agence de notation et comment ça fonctionne. Ensuite, qu’est-ce que ça peut bien dire, A+? Et finalement, est-ce que changer de « perspective » est une si grande nouvelle? Essayons d’y voir plus clair.

Les agences de notation sont des firmes qui évaluent le risque lié à l’émission de créances. Ils peuvent donner leur avis sur les titres de dette de pays, d’entreprises autant que d’émetteurs privés ou de banques. On connaît surtout S&P, Moody’s et Fitch. Pour déterminer leurs cotes, elles regardent plusieurs critères, certains statistiques (liquidité, solvabilité), d’autres politiques (idéologie du gouvernement, contexte social). Leurs calculs demeurent secrets, un peu comme la recette du Colonel. Ce qu’ils vendent, c’est de la confiance. Et pour que cela fonctionne, il faut en retour ne pas les remettre en question.

Les cotes elles-mêmes peuvent avoir un petit côté ésotérique. Les trois grandes agences utilisent toutes un classement qui commence à AAA et se termine à C ou D. Toutefois, certaines ajoutent des chiffres, d’autres des symboles + ou -. Ainsi, Baa3 équivaut plus ou moins à BBB-. Où se situe-t-on avec notre A+? Nous sommes dans la même ligue que le Japon, l’Irlande et Israël. Pas si mal.

Il y a plusieurs choses à dire sur ces agences (on a même publié une brochure à ce sujet!). Celles-ci sont devenues incontournables dans un contexte où ce sont les dettes qui font rouler l’économie et que les échanges sur les marchés financiers dépassent ceux pour les biens et services. Si une entreprise ou un pays cherche de l’investissement, il sera difficile d’en trouver s’ils n’ont pas en main une cote des grandes agences. Et bien sûr, meilleure est la cote, meilleur sera le taux d’intérêt pour celui qui s’endette. Pour arriver à séduire les agences, il faut donc comprendre ce qu’elles préfèrent. Bien entendu, elles prennent le temps de regarder le taux d’endettement et les actifs de l’État. La stabilité politique est un must et les guerres civiles ou les tensions sociales pourraient réduire la cote. Mais l’idéologie du gouvernement a aussi son impact. Les agences peuvent donc préférer l’austérité à une relance par les investissements publics. À quel point? Impossible de savoir. Vous vous rappelez? La recette est secrète. Et pourtant, malgré le mystère, elles arrivent quand même à influencer les politiques publiques. Ainsi, S&P se permet soigneusement d’ignorer que l’austérité au Québec a ralenti ses perspectives de croissance. D’une certaine manière, en améliorant les perspectives du Québec, ce qu’ils disent, c’est qu’ils approuvent les réformes du gouvernement, et qu’ils encouragent donc les autres juridictions à les imiter.

Ce n’est pas tout ce qu’elles influencent. Les agences de notation sont également les championnes des prophéties autoréalisatrices. Si elles décident qu’il sera difficile pour vous de rembourser vos dettes, vos paiements d’intérêts augmenteront aussitôt, rendant plus difficile, voire impossible, de maintenir vos promesses auprès de vos créanciers. Le contraire pourrait amener la situation inverse, diminuer les coûts du service de la dette et améliorer sa situation financière.

Mais ce n’est pas notre cas pour le moment. Changer la perspective de la cote ne fait qu’informer que la cote pourrait changer, dans notre cas positivement, d’ici un an ou deux. Ou pas. On verra. Dans quelle mesure ce sera à cause des agences elles-mêmes? Le mystère demeure.

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