La France du PS : à droite sur l’immigration ?
24 septembre 2012
« Je considère que l’immigration économique dans un contexte de croissance ralentie doit être limitée. Il y aura un débat au Parlement chaque année pour savoir quel est le volume de l’immigration. Aujourd’hui, quelques secteurs seulement sont en demande ». C’est ce qu’affirmait François Hollande à la télévision française en mars dernier au cours de sa campagne électorale.
Alors qu’il était candidat à la présidentielle, il envisageait de réduire de 30% l’immigration économique (soit le nombre d’immigrants entrés pour des motifs de travail), ce qu’il justifiait par les limites de la générosité de l’État en temps de crise économique. Quant aux sans-papiers, Hollande avait déclaré en campagne qu’étant donné leur trop grand nombre, il entendait maintenir le quota de 30 000 régularisations, soit le même que sous le gouvernement Sarkozy.
Par ailleurs, en réponse à la question de savoir s’il ne risquait pas d’être perçu comme le « monsieur Sarkozy » du PS, le nouveau ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a affirmé : « Il est vrai qu’il n’y aura pas de régularisation massive des sans-papiers. Être de gauche, ce n’est pas régulariser tout le monde et se retrouver dans une impasse. Il faut mener une politique républicaine, conforme aux valeurs de la France […]. »
Ces propos reflètent une idée toute faite sur les immigrant-es, selon laquelle ils et elles sont un fardeau pour les finances de l’État. Ces propositions sont lancées dans la sphère publique sans considération des retombées positives de l’immigration non seulement sur le plan fiscal et sur l’économie en général, mais aussi celles, moins aisément quantifiables, sur le plan social ou culturel. Dans tous les cas, cette vision est mise de l’avant sans aucune mention des causes de fond, par exemple, des hauts taux de chômage chez les immigrants, notamment la discrimination à l’embauche.
Par ailleurs, François Hollande a également déclaré que « les demandes d’asile seront traitées en 6 mois » plutôt qu’en 18, et que le Parti socialiste « ne laissera pas s’installer une immigration à travers le droit d’asile pour un temps illimité ».
Quelques changements
Il y a certes des différences dans la politique migratoire actuelle du PS comparativement à celle de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP). Une des promesses-phares du PS a été l’octroi du droit de vote aux immigrants non-européens aux élections municipales, mesure vertement dénoncée par l’UMP, qui en a fait l’un des thèmes de sa campagne.
Le PS compte également faciliter les naturalisations, qui ont diminué de 40% au cours des deux dernières années. De plus, les critères de régularisation des sans-papiers deviendront plus précis (basés sur « les années de présence en France, la situation par rapport au travail, les attaches familiales, la scolarisation des enfants »), alors qu’auparavant ils étaient considérés davantage arbitraires.
Par ailleurs, en France, il est légal de détenir des immigrants sans-papiers, y compris les enfants, dans ce qui est appelé des « centres de rétention » où l’on place les personnes en situation irrégulière devant être déportées. Le gouvernement Hollande modifie cette mesure pour les familles avec mineurs, qui seront désormais « assignées à résidence dans des conditions strictes ». Cette mesure demeure tout de même punitive, si on compare le système français au contexte canadien, où ces formes de détention des sans-papiers sont moins courantes, spécialement en ce qui touche les enfants.
Les ressemblances avec la droite
N’empêche que les autres mesures des socialistes sous François Hollande s’apparentent davantage à la posture de l’UMP qu’aux positions habituelles de la gauche sur ce sujet.
En 2007, Sarkozy s’était prononcé en faveur des quotas d’immigration. « Je souhaite que nous arrivions à établir chaque année, et après un débat au parlement, un quota avec un chiffre plafond d‘étrangers que nous accueillerons sur notre territoire. Je souhaite également qu‘à l’intérieur de ce chiffre plafond on réfléchisse à un quota par profession, par catégorie, et puis naturellement à un quota par région du monde », avait alors affirmé ce dernier.
La position de Hollande rappelle cette notion d’« immigration choisie » de Sarkozy. D’ailleurs, plutôt que de s’en tenir au programme de son parti, qui prévoit un débat parlementaire triennal sur les orientations en matière d’immigration ainsi que le « refus du système de quotas, rigide, bureaucratique et inefficace », Hollande penche plutôt vers un débat annuel afin d’établir la limite du nombre d’immigrants économiques qui seront accueillis.
Certains dirigeants socialistes ont affirmé qu’il n’y a pas si longtemps, le fait de défendre les quotas d’immigration aurait fait scandale au sein du parti et que, dans le cadre d’un congrès, la personne en question aurait risqué de se faire « étriper ».
Se défendant du revirement soudain sur cette question, un spécialiste de l’immigration au PS affirmait qu’« à aucun moment de sa campagne, [Hollande] ne s’est indigné des pratiques du gouvernement sortant », ce qui vient surtout confirmer qu’il y a eu effectivement durcissement. D’ailleurs, l’ex-ministre de l’Économie sous Sarkozy a qualifié les décisions de Manuel Valls « à la fois [de] courageuses et logiques ».
Plusieurs observateurs considèrent que ce « glissement idéologique » est attribuable à la montée de Marine Le Pen dans les suffrages au terme du premier tour et au fait que les socialistes cherchaient, évidemment, à courtiser l’électorat du Front National au second tour.
Pendant ce temps, Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’homme, propose, entre autres mesures intéressantes, l’adoption d’un « moratoire des expulsions » pour mettre fin à la « détestable politique du chiffre », le temps d’« un grand débat national permettant de réconcilier la France avec elle-même autour d’un projet à vivre ensemble ».
Tout semble indiquer que le nouveau Président de la République ne sera pas l’initiateur d’une telle rupture.