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La COVID-19 et le prix des aliments : la pandémie des inégalités?

18 juin 2020


Depuis le début de la pandémie, le coût du panier d’épicerie préoccupe indéniablement la population. Dans ces circonstances, il est étonnant de voir le gouvernement rejeter la tenue d’une enquête de l’Office de la protection du consommateur (OPC) sur le prix des denrées dans les supermarchés durant la crise. Nous tenterons donc dans les lignes qui suivent de vérifier si les prix à l’épicerie ont effectivement connu une hausse marquée.

D’emblée, notons que des chercheurs des universités Guelph et Dalhousie prévoyaient une hausse d’environ 487 $ du prix du panier d’épicerie en 2020 comparativement à 2019. Or, cette prévision ne permet pas d’isoler l’effet de la pandémie.

Pas de hausse marquée dans les aliments de base… pour le moment

Le Dispensaire diététique de Montréal (DDM), un organisme communautaire en nutrition sociale, s’est donné pour mandat de reproduire l’indicateur du panier de provisions nutritives (PPN) pour les mois d’avril, mai et juin 2020 à Montréal dans le but d’étudier les effets de la pandémie sur le prix des aliments. Le PPN est une estimation économique du coût d’une alimentation équilibrée pour des personnes des deux sexes appartenant à différents groupes d’âge, et il reflète les habitudes d’achat et de consommation alimentaire des Canadien·ne·s. Il tient compte des denrées de base telles que la farine, le beurre, le sucre, les épices, etc. Cependant, il ne tient pas compte des produits de première nécessité comme les accessoires de nettoyage, le dentifrice ou le shampoing. De plus, cette étude ne porte que sur Montréal, ce qui nous empêche de connaître le portrait dans les autres régions du Québec.

Après vérification, le DDM est arrivé au constat qu’il n’y a pas eu de hausse marquée des prix des aliments en avril par rapport à janvier. Selon l’organisme, le panier nutritif pour une famille de quatre personnes coûtait 9,01 $ par jour en avril alors qu’en janvier, il en coûtait 9,06 $. Les résultats pour mai et juin n’ayant pas encore été publiés, il sera intéressant de voir quelles seront les variations de prix au fur et à mesure que la crise avance. Ceci étant dit, le DDM souligne que les produits de base, comme la farine et les légumineuses, avaient tendance à manquer dans les rayons des épiceries. L’effet de substitution serait, en ce sens, à prendre en considération. De plus, ce panier tient compte uniquement des produits de base en excluant les aliments transformés qui peuvent être plus coûteux.

Moins de rabais

Par ailleurs, ces denrées sont les plus susceptibles d’être en rabais en temps normal. Or, certains fournisseurs ont choisi de réduire ou de cesser leurs activités promotionnelles de peur de mettre trop de pression sur leur chaîne d’approvisionnement ou pour augmenter leur revenu. C’est d’ailleurs pourquoi on voit les circulaires s’amincir, ce qui profite à plusieurs entreprises qui se fient aux comportements des consommateurs et de consommatrices qui, parce qu’ils sont affectés psychologiquement par la pandémie, ont moins tendance à être regardant sur les prix.

Plus de dépenses pour les détaillants

De plus, il faut noter que les plus petites épiceries ont été forcées de faire des dépenses additionnelles pour répondre aux normes sanitaires. Par exemple, le propriétaire d’une épicerie à Montréal évalue que le panier d’épicerie va coûter de 4 % à 7 % plus cher en raison de la pandémie, chiffres qui sont confirmés par l’Association des détaillants en alimentation du Québec et le Conseil canadien du commerce de détail. Parmi ces nouvelles dépenses, on compte l’embauche d’un ou une garde de sécurité pour contrôler les entrées et sorties dans l’épicerie, ou l’installation d’équipement pour protéger le personnel (par exemple, du plexiglas ou un évier à l’entrée). Ces mesures réduisent les profits des petites épiceries qui devront compenser par le prix des aliments vendus, ou par une hausse des frais d’assemblage ou de livraison.

Bien que le taux d’inflation général de mai 2019 à mai 2020, soit le taux actuel, se situe à -0,4 % en ce moment au Canada, le taux d’inflation alimentaire atteint 3,1 %. Au Québec, l’inflation générale durant cette même période a été plutôt négative à -0,4 % tandis que l’inflation alimentaire au Québec était de 3,4 %. En clair, le panier d’épicerie prend une plus grande part des dépenses des ménages.

Cependant, il faut garder en tête que l’inflation n’affecte pas tous les aliments de la même manière. Certains aliments ont vu leur prix baisser, comme le céleri qui est passé de 4,99 $ l’unité au Québec en avril 2019 à 2,81 $ en avril 2020. Pour la même période au Québec, le contrefilet est passé de 15,84 $ le kilogramme à 18,77 $. Il reste que dans l’ensemble, l’inflation alimentaire a été plus forte que l’inflation générale.

Considérant que les familles des plus bas quintiles de revenu allouent une plus grande partie de leurs dépenses à l’alimentation que les personnes les plus riches, on peut en conclure que cette pandémie contribue à appauvrir les familles les plus pauvres qui vont être davantage affectées par une inflation alimentaire plus forte.

Bref, il est exact de dire que le panier d’épicerie prend plus d’espace dans le budget des Québécois et des Québécoises. Cela s’explique avant tout par la diminution des rabais et le coût des mesures sanitaires nécessaires. Ce poids est particulièrement plus élevé dans les familles où le budget est plus restreint. En ce sens, il serait opportun pour le gouvernement de se donner les moyens de collecter les données pertinentes pour suivre l’évolution du prix des aliments, et ce, en temps normal comme en temps de pandémie.

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