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La Chine, la croissance et le taux de croissance

27 septembre 2013

  • MJ
    Mario Jodoin

De nombreux articles ont paru récemment sur l’inquiétude face au «ralentissement» de la croissance du PIB en Chine. On pouvait par exemple lire dans cet article que la croissance de 7,7% du PIB en 2012 était «la plus faible croissance enregistrée par la Chine depuis 13 ans», et que la «faible» croissance de 7,5 % au premier trimestre jetait des doutes quant aux possibilités de la Chine de maintenir son taux de croissance au dessus de 7 %.

L’objet de ce billet n’est pas de discuter des bienfaits ou des horreurs liés à cette croissance, ni de l’imprécision des données chinoises, mais de tenter d’illustrer que le discours sur la croissance et les taux de croissance peut donner des mauvais signaux de la situation.

Dans le graphique qui suit, tiré des données de la Banque mondiale, on peut voir qu’il est vrai que la croissance de 7,8 % de 2012 (abaissée récemment à 7,7 %) est la plus basse depuis l’augmentation du PIB de «seulement» 7,6 % en 1999. Si on omet cette année, elle est la plus basse depuis 22 ans soit celle de 3,8 % en 1990.

Taux de croissance du PIB réel de la Chine en parité de pouvoir d'achat

Mais, cette comparaison de taux de croissance à travers les années peut être trompeuse. On pourrait en effet s’imaginer qu’une série de taux de croissance égaux signifie une croissance égale. Le graphique qui suit montre que ce n’est vraiment pas le cas. Au contraire, un taux de croissance égal pendant plusieurs années se traduit plutôt par une croissance exponentielle.

Évolution du PIB réel chinois en parité de pouvoir d'achat

Il faut noter que j’ai ici utilisé les données en PIB réel, c’est-à-dire corrigées en fonction de l’inflation. Si j’avais utilisé les données en dollar constant, la courbe serait encore plus abrupte.

En plus, quand on compare le taux de croissance de la dernière année avec les taux de croissance des années précédentes, comme je l’ai illustré dans le premier graphique, on risque de confondre la croissance (augmentation du PIB) avec le taux de croissance. Ce que fait d’ailleurs l’article cité en début de billet en affirmant que celle observée en 2012 était «la plus faible croissance enregistrée par la Chine depuis 13 ans». C’était de fait, comme mentionné plus haut, le plus faible taux de croissance des 13 dernières années, mais pas la plus faible croissance de ces 13 années, comme on peut le voir dans ce graphique.

Croissance du PIB réel chinois en parité de pouvoir d'achat

Ce graphique montre clairement que l’augmentation du PIB chinois en 2012 fut la quatrième plus élevée de tous les temps. Les commentatrices et commentateurs oublient souvent que, comme le PIB augmente d’un bon taux à chaque année, l’augmentation de 7,8 % en 2012 (non corrigée à 7,7 % dans les données de la Banque mondiale) représente en fait une augmentation du PIB plus élevée que celle de 9,6 % observée en 2008 et même 8 fois plus élevée que celle de 1984 qui montrait pourtant un taux de croissance deux fois plus élevé (15,2 %).

Mais, au-delà de ces considérations mathématiques, intéressantes et essentielles pour bien comprendre la dynamique de croissance, on peut et doit se poser des questions sur cette frénésie de croissance. Croit-on vraiment que des taux de croissance semblables sont possibles éternellement?

Conclusion

Ce billet ne se prononce pas sur l’importance du «déclin» de la Chine, sur ses caractéristiques et sur ses conséquences sur l’économie mondiale. L’analyse de Paul Krugman, par exemple, qui trouve intenable une telle croissance dans une économie dont près de la moitié du PIB est formée d’investissement, alors que cette proportion tourne autour de 20 % dans les pays industrialisés, est pertinente, mais ne va pas assez loin à mon goût.

Se pose-t-on la question sur la nature de cette croissance (à qui profite-t-elle?) ou encore pire sur le coût de cette croissance pour le peuple chinois et même pour l’humanité? Mais, non, on s’inquiète plutôt sur le fait que la croissance du PIB de la Chine ne fut que de 7,5 % au premier trimestre de 2013 et que cela risque de nuire à la croissance mondiale…

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