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Être contre le travail, tout simplement

20 septembre 2012


Écrire simplement sur l’économie n’est pas une chose facile. Tous les jours, des gens bien se démènent dans les médias pour rendre l’économie accessible et compréhensible pour le commun des mortels.

Critiquer l’économie clairement est chose encore plus compliquée. Nous tentons, tant bien que mal, à l’IRIS et ailleurs, de le faire sur plusieurs sujets. Nous n’arrivons cependant pas à la cheville de l’ouvrage que je viens de terminer: Work: Capitalism. Economics. Resistance. Il s’agit d’un livre collectif, pas comme pour les ouvrages scientifiques où des gens signent plusieurs textes dans le même ouvrage, mais bien d’un collectif, Crimethinc Ex-Workers’ Collective, qui signe le bouquin en ne nommant aucun-e de ses participant-es.

Rempli de dessins, de photos et de BD, le livre a une facture attrayante. Une série de mini-chapitres de 2 à 8 pages chacun composent les 360 pages de l’ouvrage. Aucune note de bas de page et moins de cinq citations directes. L’ensemble est écrit dans un style direct, bien que parfois inégal – on sent les nombreuses mains ayant travaillé le produit – mais qui s’abstient de tout jargon ou le rend tout au moins explicite. Le livre vient même accompagné d’une affiche (voir ci-haut) qui explicite son contenu avec uniquement des images. Bref, tout ce qui peut rendre rébarbatif un ouvrage théorique à des lecteurs non-initiés a tenté d’être gommé ou sinon amoindri.

Le contenu de l’ouvrage a l’ambition de faire une description exhaustive du système économique dans lequel nous nous trouvons. Pas une petite prétention. Original, il tente une approche non pas à partir d’une réflexion théorique abstraite (bien que beaucoup d’ouvrages théoriques aient de toute évidence été consultés avant l’écriture de l’ouvrage), mais à partir de l’expérience vécue du travail aux Etats-Unis. Le cœur de Work est divisé en deux parts : d’abord les positions qu’on occupe dans le système économique, ensuite les mécanismes (ou les relations) qui lient ces différentes positions. L’ensemble axe sur la centralité du travail dans nos vies pour la critiquer vertement et souligner ses aspects délétères.

Du côté des positions, on part du lieu même du capital, au sommet de la pyramide pour descendre jusqu’aux animaux en passant, entre autres, par les politiciens, les vedettes de télé, les petits boss, les ouvriers et les travailleurs immigrants. On note un chapitre particulièrement intéressant sur le travail du sexe, où on tient à la fois une posture qui reconnaît le statut de travailleuses à celles qui le pratiquent pour souligner ensuite que ce travail, comme les autres, doit être éliminé dans sa forme actuelle. Notons, par contre, que l’absence d’une section sur la technocratie d’État est décevante (elle est cependant explicable par le rapport particulier que les Étasuniens ont à l’État).

Dans la section des mécanismes, on est face à des phénomènes très disparates, le terme même de mechanics pouvant s’appliquer à des phénomènes financiers autant qu’à des institutions. Cela comprend donc une description de l’endettement, de la production et de la consommation à côté d’un commentaire sur les médias, la religion ou l’identité. Si parfois les liens avec le thème de l’ouvrage sont ténus, souvent la réflexion offre une synthèse mordante, mais néanmoins nuancée et claire, des différents systèmes d’exploitation qui traversent ces différents espaces sociaux. Les quelques pages consacrées aux cultures et sous-cultures font exception en étant malheureusement décevantes par leur regard étriqué sur ces importantes questions.

On regrette aussi un peu la conclusion, intitulée Resistance. J’imagine qu’on ne pouvait éviter la litanie d’exemples de possibilités émancipatrices et les invitations à passer à l’action, qui, même lorsqu’elles sont servies avec les meilleures intentions du monde, sont souvent moralisatrices et lassantes au lieu d’être, justement, mobilisantes.

Tout au long de l’ouvrage, la posture anticapitaliste et anti-travail est centrale à l’analyse présentée. On peut être ou non d’accord avec des parties ou l’ensemble de cette critique, mais on doit reconnaître à Work sa clarté, son efficacité et sa lucidité. Ouvrage impressionnant, à lire.

On peut commander le livre et avoir tous les détails à son sujet ici : http://crimethinc.com/books/work.html

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