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Atteindre une véritable équité salariale dans le secteur public

28 septembre 2019


Dans son éditorial du 25 septembre, Jean-Robert Sansfaçon souligne avec justesse que les quelque 540 000 personnes travaillant pour l’État québécois méritent un traitement juste et équitable dans le processus de négociation qui débutera en octobre. Il mentionne notamment que la rémunération dans le secteur public provincial est inférieure de 16 % à 35 % à celles du secteur privé syndiqué et des autres composantes du secteur public (administrations fédérale et municipale, entreprises publiques). Cela devrait suffire à donner raison aux travailleuses et travailleurs de l’État québécois qui exigent de meilleures conditions d’emploi.

Cependant, un élément majeur est absent des discussions et doit absolument guider les décisions du Conseil du trésor : l’aspect sexiste de ces écarts salariaux. En effet, le secteur public provincial est le seul qui soit « ségrégué selon le sexe », puisqu’il est composé à 74 % de femmes, contre 55 % dans le secteur public fédéral, 37 % dans les entreprises publiques et 35 % dans les administrations municipales. La très forte proportion de femmes dans le secteur public provincial coïncide avec le fait que c’est dans ce secteur que l’on retrouve les métiers le plus souvent associés aux rôles traditionnellement féminins, soit les services de santé et assistance sociale (82 %) et d’éducation (69 %).

C’est par ces emplois dits du « care », ou de soins, que les femmes ont largement intégré le marché du travail et acquis leur indépendance financière dans les années 1960 et 1970. Toutefois, comme ces métiers ont été, historiquement, exercés gratuitement au sein des ménages ou par des communautés religieuses, les femmes nouvellement salariées ont toujours eu de la difficulté à faire reconnaître la juste valeur de ce travail.

La Loi québécoise sur l’équité salariale, adoptée en 1996, stipule que son objectif est de : « corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l’égard des personnes qui occupent des emplois qui sont dans des catégories à prédominance féminine ». Or, cette loi permet de comparer des emplois typiquement féminins à des emplois typiquement masculins à l’intérieur seulement d’une même entreprise ou secteur ; elle ne permet pas de comparer un secteur entier avec un autre. Cela a eu pour conséquence que les employées du secteur public québécois, lors de l’exercice d’équité salariale qui s’est conclu en 2006, ont vu leur rémunération être comparée à celle de leurs collègues masculins, qui elle-même avait été fixée par rapport à la rémunération moyenne de leur secteur, à majorité féminine. Autrement dit, la rémunération des femmes a été fixée par rapport à celle des hommes, qui avait été fixée par rapport à celle des femmes. Un vrai cercle vicieux.

De plus, les politiques d’austérité des derniers gouvernements ont fait particulièrement mal aux personnes travaillant dans le secteur public provincial, qui sont les seules au sein du secteur public à avoir vu leur pouvoir d’achat reculer au cours des vingt dernières années. Au même moment, les plans de relance économique en réponse à la crise de 2008 incluaient des investissements massifs dans les infrastructures, qui ont profité surtout au secteur de la construction, composé à 88 % d’hommes.

Cette réalité, combinée aux dynamiques discriminatoires qui furent également à l’oeuvre au cours des dernières décennies dans les autres secteurs, explique que les femmes québécoises gagnent toujours, en moyenne, seulement 90 % du salaire horaire des hommes. Dans une étude que l’IRIS a publiée en février, nous avons démontré que le tiers de cet écart de rémunération entre les hommes et les femmes au Québec est attribuable au seul retard du secteur public québécois vis-à-vis des entreprises publiques (22 % d’écart). Si le gouvernement du Québec veut réparer cette injustice, il devra modifier la Loi sur l’équité salariale pour permettre les comparaisons entre les secteurs et procéder à un rattrapage salarial conséquent. En attendant, les négociations du secteur public de cet automne devraient être l’occasion de reconnaître la valeur du travail typiquement féminin en accordant des hausses salariales dues depuis fort longtemps.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 28 septembre 2019 du Devoir.

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