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Hausse du salaire minimum à 15 $/h: de 2,2 G$ à 3,4 G$ de retombées économiques

27 avril 2018

  • Philippe Hurteau

Dans quelques jours, le salaire minimum passera à 12 $/h, ce qui est très bien. Avec cette hausse, nous nous rapprochons de l’objectif suivant : qu’une personne travaillant à temps plein puisse, en ne comptant que sur ses revenus d’emplois, se sortir de la pauvreté. Bien entendu, un salaire de 12 $/h reste insuffisant pour atteindre cette cible, mais c’est un pas dans la bonne direction afin de permettre aux gens au bas de l’échelle d’atteindre un revenu viable.

Pourtant, encore plusieurs intervenants s’offusquent d’une telle orientation. On s’inquiète des effets sur l’emploi, l’inflation et les entreprises. Que ces craintes aient été apaisées (ici, ici et ici, par exemple) ne semble pas avoir d’impact sur la virulence de l’opposition, côté patronal.

Alors justement, si on s’intéressait un petit moment aux intérêts des entreprises, se pourrait-il qu’une hausse du salaire minimum soit une bonne chose pour elles? Vous avez bien lu : même les gauchistes de l’IRIS peuvent faire preuve d’humanité et s’intéresser au sort des méchantes entreprises. Avec la foi, tout est possible, semble-t-il!

Il existe un vaste consensus pour vanter, au Québec et ailleurs, les mérites des retombées économiques. C’est comme cela que l’on justifie les subventions à la F1, au Festival de Jazz et même à Bombardier. On dit que les retombées économiques, c’est bon pour l’emploi, pour les entreprises et, conséquemment, pour le Québec.

Alors, si c’est vrai lorsque vient le temps de financer la multinationale de la famille Beaudoin, ce devrait l’être également pour le salaire minimum. Alors, à quel résultat arrivons-nous? Dans l’ordre : que les retombées économiques d’une augmentation du salaire minimum à 15 $/h seraient énormes, qu’elles se répartiraient dans toutes les régions du Québec et qu’elles aideraient à réduire les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Rien de moins.

Comment calculer les retombées économiques ? C’est assez simple. Il faut définir la hausse de la masse salariale qu’induit une augmentation du salaire minimum. Nous arrivons alors à identifier entre 2,5 G$ et 3,8 G$ de retombées directes. De ces montants, nous devons retrancher les retombées négatives (pertes d’emplois, diminution des heures de travail, etc.). Au final, nous identifions entre 2,2 G$ et 3,4 G$ de retombées nettes. Ce n’est pas rien. Cette somme se traduira par une augmentation de la consommation des ménages, donc du chiffre d’affaires des entreprises, en plus d’avoir des retombées fiscales positives.

Bref, une belle occasion à la fois d’aider les bas salarié·e·s, les entreprises et l’État. Tout bénef, comme on dit.

À cela s’ajoute le fait que ces retombées iront irriguer l’ensemble des régions du Québec. Le tableau 1 détaille la répartition régionale des retombées escomptées.

Source : EPA, Statistique Canada; IRIS.

Nous comprenons bien les inquiétudes des gens qui se disent « dans ma région, les entreprises ont déjà tendance à fermer, est-ce que le salaire minimum à 15 $/h ne viendrait pas accélérer ce mouvement? »

Si ce questionnement est légitime, nos données indiquent qu’il n’est pas fondé. Qui dit un salaire minimum plus élevé dit davantage de stimulation économique. À ce jour, c’est encore par la consommation que l’on stimule l’économie et les données présentées au tableau 1 démontrent que le salaire minimum peut tout à fait être compatible avec l’intérêt bien compris des entreprises. Plus de salaire = plus de consommation = plus de chiffre d’affaires.

Notons aussi que nos résultats indiquent que de 54,4 % à 56,5 % des retombées positives du passage du salaire minimum à 15 $/h seraient captées par des femmes (pour la triste raison que ce sont elles qui occupent majoritairement les emplois les moins bien payés).

Pourquoi s’opposer à une telle mesure? Honnêtement, je ne sais pas.

Nous savions déjà que très peu d’emplois seraient effectivement menacés, que l’effet sur l’inflation serait minime et que le trésor public en sortirait gagnant. Nous savons maintenant que les économies régionales s’en trouveraient vivifiées et que nous avancerions résolument vers une diminution des inégalités de revenus qui affligent les femmes du Québec.

Vraiment, pourquoi être contre?

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