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François Legault, le grand retour du chef d’entreprise

13 juin 2023

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4min

  • Philippe Hurteau

Selon notre premier ministre, les députés auraient le « droit de gagner le plus d’argent possible pour donner le plus possible à leurs enfants ». Lancée alors que le gouvernement tente de justifier une hausse du salaire des députés de 30 %, cette formule ne devrait pas nous surprendre. Quand le ministre de la Santé affirme vouloir attirer les top guns du privé pour gérer la future agence Santé Québec, il suit la même logique : pour attirer de meilleurs gestionnaires, il faut leur donner un traitement salarial préférentiel.

Depuis 2018, le préjugé favorable du gouvernement Legault envers la création de richesse l’amène à vouloir prendre grand soin des acteurs prétendus de cette création et à revendiquer un certain « pragmatisme » afin de combler l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario. Au début de son premier mandat, nous étions loin d’un gouvernement aux velléités doctrinales fortes.

Vint ensuite la pandémie. Pendant deux ans, les Québécois et les Québécoises se sont massivement rangés derrière leur gouvernement, à la fois en attente d’une protection contre un virus aux effets mal connus et dans l’espoir de recevoir les services nécessaires en période de crise sanitaire.

Retour des perspectives idéologiques

Tout ceci est en train de changer. Le gouvernement « pragmatique » et paternaliste de François Legault cède le devant de la scène au « gouvernement patronal ». En pleine sortie de pandémie et avec des besoins financiers criants dans l’ensemble des missions de l’État, en pleine crise du logement et au milieu d’une catastrophe climatique dont on ne voit pas le bout, le premier ministre décidait d’aller de l’avant avec sa coûteuse promesse de baisses d’impôt : 1,7 milliard de dollars de revenus perdus qui iront, toutes proportions gardées, davantage dans les poches des contribuables à hauts revenus.

Pourquoi une telle politique ? Essentiellement dans l’espoir d’ajouter l’équivalent de 16 000 travailleurs et travailleuses au bassin de main-d’oeuvre de la province et venir ainsi en aide aux patrons soi-disant en manque de salariés.

Pensons également au Plan santé, déposé au printemps dernier et dont le projet de loi 15 est le plus récent avatar. Au programme : transformer la « culture d’entreprise » du réseau de la santé et des services sociaux en confiant aux fameux top guns du secteur privé le soin de piloter le réseau.

Citons enfin la privatisation d’Accèslogis au profit du tout nouveau Programme d’habitation abordable Québec. Celui-ci a d’abord été pensé pour soutenir le secteur privé en organisant la concurrence entre promoteurs en quête de profits pour la réalisation de projets d’habitation sociale. Il ne comprend aucune garantie qu’un minimum de logements construits sera réservé aux locataires à faible revenu et ne prévoit aucun fonds de démarrage, pourtant indispensable pour les promoteurs sans but lucratif.

Gouverner en patron

La sortie de pandémie est donc fort éclairante. La Coalition avenir Québec gouverne de fait plutôt au centre, ce qui ne l’empêche pas de nourrir des ambitions idéologiques bien particulières. Car le centre, rappelons-le, n’est pas nécessairement un lieu d’équilibre ni trop à gauche ni trop à droite. Il est le lieu du statu quo qui, aujourd’hui, prend la forme d’une domination patronale.

Il faut donner aux patrons la politique fiscale qu’ils souhaitent, leur confier la gestion de notre réseau de la santé et leur remettre la responsabilité de régler la crise du logement. Considérant que 30 % du conseil des ministres actuel provient du monde des affaires et qu’un autre 17 % est composé d’anciens hauts responsables du secteur privé, cette orientation ne doit pas rencontrer beaucoup de voix discordantes au sein du cabinet.

La figure du patron sauveur impose un certain style autoritaire. Ni le client ni les salariés n’ont voix au chapitre ; car en entreprise, le patron est roi. La dernière fois où le Québec a eu un chef de ce style, une révolution tranquille fut nécessaire pour que l’on se sorte collectivement de notre torpeur.

Ce texte est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 13 juin 2023 du Devoir.

 

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1 comment

  1. Comme d’habitude!
    1- On sous-finance les services publics…
    2- On les blâmes parce qu’ils sont inefficaces tout en vantant l’entreprise privée de plus en plus subventionnée…
    3- Quand on a l’opinion publique bien en main, on ferme les services publiques et on transfère le tout au privé.

    Quand est-ce que c’est, la dernière fois ou le privé a amélioré le sort du public?

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