Icône

Aidez-nous à poursuivre notre travail de recherche indépendant

Devenez membre

Mise à jour économique: lire l’austérité entre les lignes

21 novembre 2024


Le ministre des Finances Eric Girard présentait ce matin sa mise à jour économique de l’automne, un exercice qui met en évidence l’approche budgétaire problématique dans laquelle le gouvernement de la CAQ est engagé au moment où il entame la deuxième partie de son second mandat.

Cadre budgétaire

Dans le budget présenté en mars 2024, le ministre des Finances prévoyait un déficit de 11 milliards de dollars (incluant une provision pour éventualités de 1,5 milliard de dollars et un versement de 2,2 milliards de dollars au Fonds des générations). Face à des dépenses en hausse, Québec pige dans sa provision pour éventualités et revoit certaines mesures fiscales afin de ne pas creuser son déficit. En ce sens, il faut saluer le fait que le gouvernement n’ait pas cédé à la panique entourant la taille de ce déficit, qui du reste ne représente que 1,8% du PIB du Québec. 

Il est toutefois inquiétant de constater que l’évolution prévue des dépenses, qui augmenteront de 6,5% en 2024-2025, mais de seulement 2,1% en 2025-2026 et de 1,6% en 2026-2027, sera vraisemblablement insuffisante pour couvrir les coûts de fonctionnement des services publics, censés augmenter au rythme des besoins de la population. François Legault se défendait récemment « d’avoir amorcé une nouvelle période d’austérité », arguant notamment que les dépenses dans le secteur de l’éducation étaient en augmentation. Pourtant, on voit déjà les conséquences de ce ralentissement des dépenses, par exemple sur les établissements collégiaux ou l’offre en francisation. Même chose dans le réseau de la santé ainsi que dans l’ensemble de la fonction publique, où les restrictions budgétaires forcent un sous-investissement dans les infrastructures ou encore des gels d’embauche, entre autres.

Transport en commun et environnement

Après avoir été pingre pendant des mois, le gouvernement Legault assume enfin une partie de ses responsabilités en matière de transport en accordant un montant de 880 millions de dollars sur quatre ans aux sociétés de transport collectif pour éponger leur déficit de fonctionnement. Ce financement doit permettre d’éviter les coupes dans l’offre de services, mais force est de constater que les usagers et les usagères du transport en commun subissent déjà des interruptions et des pannes dues notamment à la faiblesse historique des investissements dans l’entretien des infrastructures. Les utilisateurs et utilisatrices de la ligne bleue du métro de Montréal peuvent témoigner des conséquences de ce déficit caché

Rappelons que le budget 2024 prévoyait seulement une bonification de 0,29% des fonds consacrés au transport collectif, contre 10% pour le réseau routier. Il faudrait pourtant améliorer considérablement l’offre de transport en commun pour réaliser la transition écologique. À l’heure où la compagnie Northvolt est en faillite, on voit de mieux en mieux à quel point il était risqué de miser sur cette jeune pousse, alors que des investissements massifs dans le transport en commun auraient permis de consolider une industrie québécoise bien établie tout en offrant des services directs à la population.

Considérant que le Plan pour une économie verte du gouvernement Legault se concentre presque exclusivement sur l’électrification des véhicules individuels, qu’en reste-t-il maintenant que le projet phare de la filière batterie est remis en question? Les fonds annoncés aujourd’hui pour aider les sinistré·e·s des inondations et pour améliorer la réponse aux prochaines inondations sont les bienvenus, mais il faudra aller beaucoup plus loin pour élaborer un véritable programme de lutte aux changements climatiques et d’adaptation des infrastructures.

Logement

Le gouvernement Legault a fait du progrès depuis le début de son second mandat, ne craignant plus de parler de la crise du logement qui sévit dans toutes les régions du Québec. En font foi les sommes supplémentaires qui sont prévues dans cette mise à jour économique au chapitre du logement. Sont notamment ajoutés 184 millions de dollars sur 4 ans pour la construction de nouveaux logements. Impossible toutefois de savoir à ce stade-ci comment seront dépensés ces nouveaux fonds. Face aux ratés du Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), on ne saurait trop insister sur l’importance que ce soutien gouvernemental soit dirigé entièrement vers l’habitation à but non lucratif, qu’il s’agisse de logements sociaux ou communautaires. Autrement, on pourrait faire croître l’offre sans que l’abordabilité ne soit assurée à long terme.

Industrie forestière

Est-ce parce que l’industrie forestière est en déclin et qu’elle subit fortement les effets du réchauffement planétaire que le gouvernement décide de cibler ce secteur dans sa mise à jour de l’automne? Quoi qu’il en soit, le gouvernement verse 252,2 millions de dollars sur 5 ans à cette industrie qui représentait un peu moins de 2% du PIB québécois en 2023. La plus grande part de ce nouveau financement va aux efforts de reboisement. Face aux difficultés que connaît le secteur de la foresterie, il serait opportun de se questionner sur la meilleure manière de lui venir en aide considérant l’importance qu’il occupe toujours dans certaines régions du Québec, mais aussi considérant les transformations qui devraient être faites pour la rendre plus soutenable sur le plan écologique.

Mesures fiscales

Le gouvernement prétend optimiser le régime fiscal et permettre une réduction de ses dépenses atteignant 3,4 milliards de dollars sur cinq ans. Pour ce faire, il modifie et restreint les critères du crédit d’impôt pour la prolongation de carrière et harmonise l’imposition des gains en capital en fonction des changements récents apportés au régime fiscal fédéral. Bien qu’il faille saluer la décision d’améliorer l’efficacité du régime fiscal et de taxer davantage les gains en capital, ces mesures sont insuffisantes. D’une part, elles ne remettent pas en question le régime de privilèges fiscaux dont profitent actuellement les entreprises et les grandes fortunes. D’autre part, elles ne généreront pas assez de revenus fiscaux pour financer des politiques publiques et des programmes sociaux capables de faire une réelle différence pour la population. 

Si la mise à jour économique de l’automne est toujours, par définition, un exercice restreint comparativement au budget déposé au printemps, elle donne tout de même des indications sur la voie dans laquelle le gouvernement est engagé. La mouture 2024 confirme le choix du gouvernement Legault pour l’austérité budgétaire dans un contexte où, paradoxalement, il semble réaliser le coût que représentent les problèmes auxquels devra encore faire face le Québec dans les années à venir, comme la crise climatique et la crise du logement.

Icône

Vous aimez les analyses de l’IRIS?

Devenez membre

Icône

Restez au fait
des analyses de l’IRIS

Inscrivez-vous à notre infolettre

Abonnez-vous

Commenter la publication

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Les renseignements collectés à travers ce formulaire sont nécessaires à l’IRIS pour traiter votre demande et y donner suite. Vous disposez d’un droit d’accès et de rectification à l’égard de vos renseignements personnels et vous pouvez retirer votre consentement à tout moment. En fournissant vos renseignements dans ce formulaire, vous reconnaissez avoir consulté notre Politique de protection des renseignements personnels et politique de confidentialité.

5 comments

  1. comme je suis un excellent recherchiste, je trouve vos infolettres indispensable merci beaucoup mon intervenante
    travail dans un CLSC sera-t-il affecter par les restrictions budgétaires du Gouvernement du Québec?

  2. Analyse très éclairante! Serait-il possible de faire le calcul de toutes les subventions, prêts non remboursés et autres formes d’aides financières à l’industrie qui ont été perdus parce que les entreprises ont fait faillite ? Puisque le gouvernement coupe 100 millions dans l’aide sociale pour aider les bénéficiaires, peut-être serait-il opportun qu’il coupe également dans les aides au secteur privé afin de les aider à développer leur produits avant que l’état n’investisse , par exemple par le biais de nos fonds de pension comme le CDPQ.

  3. Le mot “économie” été détourné de sons sens original par les prêtres de la finance et du commerces qui, par ailleurs, détiennent des monopoles.
    “ÉCONOMIE” signifie ne prendre que ce qui est nécessaire, laissant le reste pour quiconque pourrait en avoir besoin.

    Pour ce qui est de tout ce qui dépasse la nécessité que représente l’accès aux biens premiers, ça doit être considéré du luxe et devrait être taxé en conséquence.

  4. “Dans le budget présenté en mars 2024, le ministre des Finances prévoyait un déficit de 11 milliards de dollars (incluant une provision pour éventualités de 800 millions de dollars et un versement de 2,2 milliards de dollars au Fonds des générations). ”

    N’était-ce pas plutôt une Provision pour éventualité de 1,5 G$ ?